Boule de Mousse raconte

Je me souviendrai toute ma vie de ce jour magique où enfin, on transférait dans mon utérus ces jolies cellules. Il m’aura fallu pour cela attendre beaucoup d’années, vivre un mariage puis un divorce, puis retomber amoureuse. J’aurai connu trois iac dans ma première vie, puis encore 4 dans ma seconde. Pour enfin connaitre ce bonheur à ma première FIV.
Pourtant, c’était loin d’être gagné : une réponse au traitement plus que médiocre, seulement 4 ovocytes de ponctionnés, deux qui survivront à la ponction, deux fécondés, et un seul mais parfait petit embryon qui se retrouva au creux de moi par ce joli jour de décembre 2012.
15 jours plus tard, on apprendrait la merveilleuse nouvelle : j’étais enceinte. Nous allions être parents. C’était la plus belle chose au monde. Enfin, la vie nous souriait. Finies les larmes, finies les galères, l’avenir nous appartenait. Mes taux augmentaient bien, tout était parfait … ou presque.
C’est avec beaucoup d’angoisse qu’à 5 semaines de grossesse pile poil, je me rendais chez mon gynécologue pour faire une première écho. Celle que l’on attend toutes avec beaucoup de fébrilité … celle où on est sensé voir clignoter le petit cœur.
Ce jour là, aussi je m’en souviendrai toute ma vie. L’expression du gynécologue, le ton de sa voix, le visage de mon chéri… A l’écho, on voyait bien un sac, on voyait bien aussi un petit embryon … mais point de cœur qui battait. A l’unisson, le mien s’arrêta aussi de battre. Le petit être qui avait élu domicile en moi avait cessé de se développer, silencieusement, sans que je le sache. Je n’aurai eu aucun symptôme de fausse-couche : ni saignement, ni douleur.
La douleur (morale) que je ressentis fut immense, je fus littéralement terrassée par ce qui nous arrivait et je ne comprenais rien à ce que ressentais. J’en avais pourtant connu des femmes qui avaient perdu un bébé. J’avais pourtant compati à leur chagrin, essayant d’imaginer ce qu’elles pouvaient ressentir … mais j’étais si loin, si loin, de la vérité. Je n’avais pas compris la douleur qui les habitait alors … Je l’avoue, c’est une douleur que je ne compris qu’en la vivant à mon tour… et ce fut vraiment terrible.
J’en avais connu des échecs… 12 ans d’infertilité ça marque. Une infertilité qu’aucun médecin n’a su expliquer, si ce n’est par une réserve ovarienne un peu en dessous de la norme : « mais rien qui ne puisse vous empêcher d’être enceinte Madame ». Oui, les échecs je les avais encaissés, un par un, courageusement, gardant espoir, toujours …
Mais, là, c’était autre chose. Ce n’était pas un échec… c’était une perte. Même s’il n’était pas bien gros, ce [futur] bébé existait bel et bien, tant dans mon esprit que dans mon corps. C’était notre avenir, c’était nos projets. Et puis surtout, c’était tant d’amour. Aussi petit qu’il était, on l’aimait déjà. C’était dingue à vivre d’ailleurs. Pour la première fois de ma vie, je me sentais « femme », pour la première de ma vie je me sentais « future mère », et déjà je le berçais de tout mon amour et c’était tellement facile.
Puis en ce jour funeste, il n’y plus rien. Plus de chambre à refaire, plus de projets, plus de biberons, plus de prénoms, plus de rire dans la maison, plus de bébé. Que le vide. Un immense vide.
Comble de l’ironie, je gardais mon petit sac en moi, 3 mois jour pour jour. Ayant pris le parti avec mon gynécologue d’éviter le curetage, mon corps servit de mausolée à ce petit être  pendant de longues semaines, bien trop longues semaines. 3 mois de véritable souffrance car ne pouvant pas « passer à autre chose », « faire mon deuil » et reprendre possession de mon corps.
Oui, deuil. Car il s’agissait bien de cela. Malgré ce que j’aurai entendu autour de moi : « c’était pas vraiment un bébé, juste quelques cellules », « si tu l’avais perdu plus tard, ça aurait été pire »… pour moi, j’avais perdu un petit être, pour moi, il était bien réel, pour moi, il avait une vie et une place, pour moi, c’était déjà mon enfant.
Vous dire que la solitude m’a habitée pendant ces longs mois serait un euphémisme. J’ai beaucoup pleuré, j’ai sombré. J’ai même cru que je ne m’en relèverai pas. Malgré l’amour, l’affection et le soutien de l’homme que j’aime, ce fut dur et douloureux. Et puis, le petit être partit.
Alors oui, on s’en remet. Mais non, on n’oublie pas. On avance, on vit, on revit. Mais il est toujours là et je l’appelle mon petit Casper. Parfois même, dans les moments noirs, je pleure encore sur lui, sur la vie que nous lui aurions donnée, sur le bonheur qu’il nous aurait procuré.
Dans 3 semaines, on repartira. On recommencera le traitement et forcément j’ai peur. Parce que même si mon gynécologue tire le « bon » de cette expérience, je ne sais pas à quoi m’attendre. Naïvement, j’avais toujours pensé qu’après toutes ces galères, une fois enceinte, tout irait bien. Maintenant, je sais que le danger est partout.
Bizarrement, je vous avouerai que j’ai passé trois merveilleuses semaines à me savoir future maman, à le savoir là au creux de moi, à nous savoir deux. Ce fut tellement intense et j’ai ressenti tant d’amour que malgré la peur, le chagrin qui m’habite encore un peu, je trépigne de pouvoir revivre ça [peut-être] et que cette fois [peut-être], la fin sera heureuse…
Pendant cette mauvaise période, j’ai essayé de comprendre ce que je ressentais et au gré de mon surfinage sur le net je suis tombée sur un article qui m’a réellement beaucoup aidée. En voici le lien : http://www.maieusthesie.com/nouveautes/article/fausse_couche.htm
J’espère que certain(es) pourront y trouver un peu de réconfort et surtout de compréhension.
En attendant, je vous souhaite à toutes et tous d’être épargnés par cette épreuve, ou de la revivre à nouveau.
Beaucoup de bonheur à vous.

Commentaires à propos de cet article (6) :

  1. Merci pour ton témoignage et le lien…
    comme toi mon petit embryon ne voulait pas se décrocher et le suivant est resté accroché et y est encore (depuis 8 mois et demi) 😉
    C’est tout ce que je te souhaite…

  2. Merci pour ce partage d’expérience. Pas mal ce lien.
    J’aime me pencher sur les termes utilisés. Moi, après deux grossesses extra utérines (dites « actives »), et une FC précoce à 7 semaines, alors que je m’épanchais un peu auprès d’un gynéco sur la douleur de la perte de ces futurs bébés, il m’a rétorqué, qu’en fait, je n’avais jamais été enceinte. Ha bon? Ha bon….
    Je crois que cette remarque a été plus violente que les annonces de GEU ou FC, que les curetages, les coelioscopies ou les nausées matinales malgré la fin de l’activité cardiaque du petit poisson Une négation impudique.
    Je ne précise pas que je ne l’ai jamais revu.

  3. Certains oublient vite que nous les fivettes lorsque nous ressortons d une salle après un transfert avec nos petites cellules.. Nous sommes déjà des femmes enceintes ! Rien ni personne ne pourra nous l enlever. ! la psy que j ai rencontrer a ma PMA a confirmer mes propos ! Comment oser dire de telles choses ! Il y a tellement un manque de tact !

  4. Merci Boule de Mousse pour ce bel article qui m’a donné envie de raconter aussi. Je t’embrasse bien fort, j’ai frissonné en relisant ces moments très durs.

  5. Boule de mousse, merci… Tu as traversé de si durs moments… Merci pour le lien qui m’est très utile !!

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