Quand il n’y a pas (encore) d’explication.

L’infertilité inexpliquée concernerait seulement 7% des couples touchés par l’infertilité ou l’hypofertilité (source CHU de Toulouse). Cela représente une très petite partie de la population. Cet isolement, à lui seul, rend déjà la chose difficile à accepter et à comprendre. On se sent déjà seul au milieu d’une population de gens qui n’ont majoritairement pas de problèmes pour faire des enfants. Mais on se sent également parfois seul au milieu de ceux qui comme nous rencontrent des difficultés.
Quand il n’y a pas de cause à cette  hypofertilité, on est très vulnérable face aux remarques et aux questions des autres. Il n’y a pas d’argument à brandir quand on vous assène que vos problèmes sont liés à votre stress ou à votre obsession d’avoir un enfant. Il arrive que certains médecins prennent de dangereux raccourcis, en considérant que l’infertilité inexpliquée n’est pas une infertilité réelle. Et pourtant les chiffres sont là, le temps que l’on perd à persister dans la voie du « laisser faire les choses » n’est que temps perdu : l’efficacité des traitements décroît avec l’âge de la femme, et les traitements classiques remédiant habituellement à l’infertilité ne fonctionnent pas mieux lorsque l’infertilité est inexpliquée (source Edimark.fr, La Lettre du Gynécologue – avril 2004). Alors on se sent parfois rejeté par la médecine, laissé pour compte au motif d’une absence d’explication. Absence d’explication ne veut malheureusement pas dire absence de problème.
Mener un combat contre l’hypofertilité inexpliquée, c’est aussi très épuisant. S’il est vrai que l’on dispose d’opportunités relativement « nombreuses » avec une chance de réussir à chaque cycle, on n’obtient pas pour autant plus de résultat. Et on attend très longtemps avant d’obtenir une prise en charge AMP. Comme s’il fallait « faire ses preuves » d’abord, ou le mériter.Comme si ce n’était pas un problème sérieux ou digne d’intérêt, alors même qu’une prise en charge en AMP voire une tentative de FIV peuvent conduire à une explication de cette hypofertilité « inexpliquée » (source edimark – La Lettre du Gynécologue Avril 2004).
Quand chaque cycle, sur une année entière, est une opportunité de concevoir, on mise beaucoup d’espoir à chaque fois. On ne rassemble pas ses forces une bonne fois pour toute, on les disperse et on les sème tout au long de l’année. Chaque mois qui passe, les ressources s’amenuisent un peu plus, on se rapproche du point de non retour. Et quand à cette  hypofertilité viennent s’ajouter des fausses couches répétitives et tout aussi inexpliquées, il y a de quoi se sentir désarmés. Sur le papier, pas de problème, tout va bien, les paramètres montrent que le succès finira par arriver. Et pourtant les années passent, sans solution, avec l’inexorable logique qui indique que le temps va empirer les choses. Les coups pleuvent, les échecs se succèdent, tous les 28 jours. On ne sait pas où est l’ennemi, on ne connait pas son visage, mais il est pourtant bien là au rendez-vous mensuel.
C’est précisément parce que nous ne serions que 7% à souffrir de cette infertilité inexpliquée que je tenais à en parler aujourd’hui. Parce que je suis directement touchée par cette double absence d’explications, parce que je suis fatiguée de prendre mon courage à deux mains, en vain, tous les 28 jours. Parce qu’en réalité, il n’y a pas de raison à ce que l’infertilité soit inexpliquée. Il y a juste un vide, une marge de progrès, des découvertes à réaliser. Et le travail de la recherche doit continuer à avancer, notamment sur la qualité ovocytaire mais aussi sur beaucoup d’autres sujets, dans un pays où il ne semble pas forcément que ce soit une priorité.
En résumé, ce qui pourrait faire avancer les choses :
– Les premiers examens, en l’absence de diagnostic évident, sont réalisés bien trop tard. Le résultat : les années les plus profitables pour la fertilité sont souvent sacrifiées, on les passe à s’évertuer en vain tous seuls dans un coin. Les premiers bilans simples pourraient être réalisés bien plus tôt, et en tenant compte de l’âge des couples. 
– l’infertilité inexpliquée : on en parle peu et la recherche semble mettre ce problème de côté. (je m’avance peut-être, mais il est clair que si recherches il y a, elles sont très peu médiatisées).

Commentaires à propos de cet article (22) :

  1. Merci Madame Pimpin pour ce très bel article, dans lequel je me retrouve beaucoup, évidemment.
    En effet, c’est difficile de ne pas avoir de cause, de ne pas pouvoir se défendre quand on nous serine que c’est par ce qu’on y pense trop, que c’est parce qu’on le veut trop ce bébé.
    Comme si on avait pas assez de l’infertilité et de la PMA, on nous fait en plus culpabiliser!

    1. Tu sais, le plus fou, c’est que même quand tu as des explications biologiques à tes échecs, une double cause même, les gens te disent quand même que c’est dans ta tête. Et quand tu rétorques que d’être anxieuse ne rend pas les spermato de ton mari peu efficients, il y a toujours cet air dubitatif en retour. Horripilant… Alors je n’ose imaginer quand tu ne peux pas dire ça…

  2. Je ne suis pas directement concernée par le contenu de cet article mais il me fait réfléchir tout de meme..
    « l’infertilité inexpliquée n’est pas une infertilité réelle ».. Ceux qui osent dire ce genre de chose me semblent vraiment très présomptueux.. Le corps humain et le cerveau sont encore loin d’etre maitrisés à 100%, meme par les plus grandes tetes pensantes, alors comment est-il possible de nier à telle point cette forme d’infertilité ? de la qualifiée d' »irréelle » ?
    et le fait que cette sentence ferme les portes de la PMA a des personnes qui pourraient y trouver la clé.. j’avoue que j’ai du mal à comprendre.. et à accepter..
    Bonne route à vous autres, les 7%

  3. Très très vrai tout ça. Merci pour cet article.
    Si mon infertilité avait pu être expliquée, j’aurais sans doute commencé la PMA dès 2002… alors que je n’ai commencé les essais médicalisés qu’en 2011 (avec certes entre temps un changement de mari, ce qui n’est pas à négliger 😉 ).

  4. Oui merci pour cet article et cette mise en avant des infertilités inexpliquées. J’en fais malheureusement partie, avec aussi ce sentiment que l’on minimise notre problème parce que tout semble normal. Et même pire quand l’on met notre infertilité sur le dos du blocage psychologique… C’est un très bel article qui résume bien mon ressentie à moi aussi.

  5. Comme tu as raison… Un couple de ma famille a vécu 10 ans d’infertilité inexpliquée avant d’avoir des jumeaux grâce à une FIV et un bébé qui s’est invité tout seul l’année d’après. Au bout de 10 ans à leur dire qu’il n’y avait rien, ils ont trouvé des lésions d’endométriose. Sans certitude sur la responsabilité. Inexpliquée, ça veut dire que la médecine actuelle ne sait pas dire ce qui cloche, mais je réalise combien un tel diagnostic doit être lourd à porter et culpabilisant.

  6. L’infertilité inexpliqué est la plus injuste de toutes les infertilites. Que faire ? Quelles actions entreprendre pour pousser la recherche a rendre ces infertilites enfin explicables. Comment croire a la PMA quand on en est réduit à enchaîner les traitements a l’aveugle ?

  7. Quand nous avons commencé nos essais et que rien ne pouvait laisser penser qu’il y avait un souci, on m’a seriné continuellement que c’était dans la tête, qu’il fallait lâcher prise… Je me suis culpabilisée pendant de longs longs mois. Et c’est vraiment très dur en effet…. Je comprends un peu ce que tu peux ressentir… merci beaucoup pour cet article…

  8. Merci pour cet article si tristement vrai.
    Je fais parti de ces 7%. Et à force d’entendre que c’était le stress, mes mauvaises habitudes alimentaires… et toutes ces autres choses, j’ai essayé de changer. J’ai mangé bio, des fruits, des légumes, fait du sport. J’ai essayé de vivre autrement. Avec le recul, je me rend compte que j’ai essayé d’être quelqu’un d’autre. Comme si c’était simplement ça qui pouvait nous donner une famille. J’étais persuadée que c’était de ma faute, que tout était dans ma tête.
    Cela va faire 5 ans et toujours rien. Jamais un seul +. Nous avons fait 1an de stimulation simple, 5 IAC et 3 FIV.
    Il m’a fallu une dépression après la 2ème FIV pour aller consulter un psy. Et au bout de plusieurs mois, j’ai compris grâce à elle que non, ce n’était pas de ma faute. Ce n’est pas à cause de moi.
    Comme tu le dis si bien, il y a un problème… quelque part… il n’est simplement pas diagnostiqué. C’est n’est donc pas nous qui sommes en infertilité inexpliqué, c’est la science qui n’explique pas encore notre problème.
    Maintenant, je ne vis plus dans la PMA, j’ai laché l’affaire. Mon mari continue, il s’occupe maintenant de tout l’administratif pour la prochaine FIV. Et je ferai la 4ème pour lui. Mais je n’y crois plus. Trop souvent déçue, j’ai arrété de compter à partir de mon 42ème cycle d’échec.
    On avance à 2, mais je regarde ailleurs. J’ai misé dans la vie à 2, car cette épreuve nous a rapproché. On a jamais été si amoureux.
    Et puis, on avance doucement dans l’adoption. Ce sera là aussi un long et douloureux chemin.

    1. PETIT POISSON ROUGE
      Merci de ton témoignage.
      Souhaite-tu participer au collectif BAMP ? OU être simplement lectrice du blog ??
      Dans un cas comme dans l’autre tu es la bienvenue ici.
      Dis-nous si nous t’inscrivons sur la liste des membres du collectif.

      1. Bonjour Irouwen,
        Je veux bien participer au collectif, merci de l’invitation. Je ne suis pas sûre de pouvoir écrire des articles. Mais comme je n’ai pas de blog, j’utiliserai celui-ci lorsque je mettrai des commentaires sur les blogs !
        Merci pour tout ! et bravo pour cet initiative

    2. Petit poisson rouge, votre message remonte à bien longtemps
      Je m’y retrouve, c’est exactement ça, je suis dans la phase ou je veux changer (régime alimentaire, sport…) comme si j’en suis la cause, mais je sais que ça ne changera rien…
      Je suis à ma 6ème année d’infertilité inexpliquée, pourtant j’ai fait beaucoup d’examens : spermogramme, bilan hormonal, hysterosalpingographie, hystéroscopie, coelioscopie, et tous reviennent normaux, je ne sais plus vers quoi et ou me diriger, ceci qui me plonge de plus en plus dans le noir…
      Un suivi psy me ferait du bien aussi, mais je sais que ça ne bloque pas dans ma tête…
      J’espère que depuis 2013 tu as eu gain de cause de cette « infertilité inexpliquée »

  9. Quelque soit l’infertilité, qu’elle soit expliquée ou non, les autres ont toujours à redire ….
    Il faudrait que ça avance pour donner une explication au couple, il n’y a rien de pire que de rester le néant.

  10. Merci les filles. Je ne pense pas qu’un type d’infertilité soit pire qu’un autre, par contre c’est vrai qu’on n’est pas tellement aidés dans ce cas là, et souvent pris en charge bien trop tard. C’est pour ça qu’il faut en parler beaucoup.
    Petit Poisson Rouge, ce réflexe de vouloir se changer soi même puisqu’on ne peur rien changer d’autre… Comme je le ressens aussi… Que ce soit via l’adoption ou via cette quatrième fiv, je vous souhaite d’être très heureux à l’issue de ce long chemin.

  11. Merci pour cet article. Mon mari et moi même faisons partie de ces 7%. Lui a 90% de spermatozoïdes atypique mais bien rattrapés par le nombre (1 millions) et moi rien ne cloche. 2IAC négatives et mon mari a exigés qu’on change de gynéco et qu’on ailles dans le public. Décision du staff : on fait une FIV. 13ovocytes prélevés pas d’embryon. Au microscope le mystère: nos gamètes semblent se repousser mutuellement…. Je passe d’un statut d’inexpliquee a inexplicable….
    Je vois un psy en me disant que peut être c’est dans la tête….
    Par contre quand on me parle de bébé je ment je dis qu’on est stériles point barre pour qu’on me foute la paix. En général ça calme!

      1. Moi aussi mais malheureusement la seule personne qui a eu le même phénomène que moi m’a dit qu’à l’icsi le spermatozoïde mourrait au moment de l’introduction dans l’ovule…. Alors même si je continue a y croire je flippe a mort qu’il m’arrive la même chose

  12. je ne crois pas que cela soit dans ta tête si vos gamètes se repoussent ! c’est un truc de fou !
    cela arrive parfois ( c’était ma hantise !) et j’imagine que vous allez passer à la FIV ICSI …..

    1. Oui pour septembre!… Mais la psychothérapie c’est surtout pour gérer tout ce bordel et mieux me préparer à ma future maternité vu mon passé! (Moi non plus je ne crois pas que mon psychisme était encore en jeu dans l’éprouvette!

  13. Merci ! Grand merci pour cet article!!
    Je suis exactement dans ce cas… On ne sait pas pourquoi ça ne marche pas, on nous a d’abord traité avec condescendance puisque tout était censé marcher, la prise en charge a mis plus de temps que pour un couple avec un problème vite repérable, et maintenant on est censé faire traitement sur traitement, à l’aveugle…
    Je le vivais au début comme une injustice, mais depuis ma fausse couche suite à une iac (suite à la 2ème ; et j’en ai refait deux depuis), je le vis comme un drame… que moi seule vit. Manifestement, autour, les gens sont incapables de comprendre à quel point c’est douloureux, et à quel point cela « prend la tête ».
    En effet, à chaque cycle, malgré tout, de l’espoir, et quand c’est comme ça après plus de 50 cycles… C’est réellement très lourd, c’est à en devenir chèvre, et tout ça pour rester peut-être toute ta vie sur : ??????

  14. Un seul espoir : la FIV… et j’en suis à un point où cet espoir je le porte uniquement sur un diagnostique, et même quasiment plus sur un bébé (la fin de l’année 2016 a marqué un tournant… : il faut bien reconnaître que mon projet s’éloigne, s’éloigne…)
    Qu’on me dise enfin (peut-être…) ce qui ne va pas. Qu’on me dise que j’ai une mauvaise qualité ovocytaire, qu’on me dise que je produis des anticorps (je ne sais pas si c’est diagnosticable avec une FIV), qu’on me dise quelque chose…
    GRAND MERCI à BAMP, MERCI DE TOUT COEUR LES FILLES

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