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Voici un article intéressant qui date d’octobre 2010. Il donne la parole à René Frydman suite au prix Nobel attribué à Robert EDWARDS

« La fécondation en éprouvette est le symbole d’une grande transgression »

LE MONDE | 05.10.2010 à 15h27 • Mis à jour le 16.06.2013 à 17h29 | Propos recueillis par Propos recueillis par Catherine Vincent

René Frydman, chef du service de gynécologie-obstétrique de l’hôpital Antoine-Béclère (AP-HP) est, avec le biologiste Jacques Testart, le « père » scientifique d’Amandine, premier bébé-éprouvette français né en 1982.

Comment accueillez-vous ce Nobel ?

Avec une grande satisfaction. Bob Edwards a toujours été quelqu’un de chaleureux, de jovial même, et il avait surtout un esprit d’ouverture assez sidérant. Penser à la possibilité des cellules souches dès 1965, il fallait le faire ! Il était très en avance sur le plan scientifique, et il a toujours soutenu les jeunes chercheurs. Quand je suis venu le voir en 1977, il m’a tout de suite donné des conseils pour commencer à travailler. C’est donc tout un parcours qui est reconnu avec ce prix Nobel. Un prix qui, je trouve, arrive un peu tard.
Pourquoi si tard ?
Parce que la fécondation in vitro, et toutes les techniques qui en ont dérivé, a toujours suscité beaucoup de réticences. Encore aujourd’hui, les développements de la procréation médicalement assistée, dont certains ne sont d’ailleurs pas toujours justifiés, continuent de sentir le soufre. Ce qui était invisible est devenu visible, ce qui était intouchable est devenu touchable : en cela, la fécondation en éprouvette constitue le symbole d’une grande transgression humaine. Au fil des décennies, selon sa religion ou sa philosophie, cette transgression est devenue plus ou moins admise. Mais elle reste présente.
Comment expliquez-vous la pugnacité dont Robert Edwards a fait preuve ?

Je crois qu’il était animé d’une conviction profonde : aider les couples infertiles, cela lui importait vraiment. De plus, il était fasciné par les mécanismes qu’il essayait de maîtriser. Lorsqu’il tentait ses premières fécondations in vitro avec Patrick Steptoe, le gynécologue de la bande, celui-ci faisait ses prélèvements d’ovules dans un hôpital qui était à 50 km du laboratoire. Or, à l’époque, les ovulations n’étaient pas stimulées par traitement. Elles pouvaient se produire jour et nuit, et il fallait donc, jour et nuit, courir à l’hôpital prélever un ovule, puis le rapporter d’urgence à Cambridge… C’était une vraie saga !
En 1978, vous étiez présent au colloque où a été annoncée la naissance imminente de Louise Brown, premier bébé au monde à avoir été conçu en éprouvette…

C’était un grand colloque de gynéco-obstétrique, et lorsque Bob Edwards a fait cette présentation, personne n’arrivait à y croire ! Alors que c’était le début d’une fabuleuse aventure ! Quatre ans plus tard, je l’ai retrouvé à un congrès sur la reproduction humaine, avec une centaine de participants. Il a alors lancé l’idée de créer une association européenne de médecins, qui aurait son propre journal : c’est devenu Human Reproduction, et le dernier congrès équivalent à celui de 1982 a réuni à peu près 7 000 participants…
Compte tenu des législations qui encadrent la recherche sur les embryons humains, les travaux qui ont abouti à la naissance de Louise Brown et d’Amandine seraient-ils possibles aujourd’hui ?

Je ne le crois pas. A l’époque, il nous suffisait d’avoir l’accord de notre chef de service, Emile Papiernik ! Nous travaillions, certes, contre vents et marées, nous avions à répondre à l’opposition de l’Eglise catholique et à celle de certains scientifiques, mais il n’y avait pas d’interdit. Aujourd’hui, je ne pense pas que l’esprit soit suffisamment à l’ouverture et à l’innovation pour qu’un tel progrès soit possible. La philosophie de Bob Edwards n’est pas d’actualité.

Propos recueillis par Catherine Vincent

Commentaires à propos de cet article (4) :

  1. « Aujourd’hui, je ne pense pas que l’esprit soit suffisamment à l’ouverture et à l’innovation pour qu’un tel progrès soit possible » !!!! C’est ce qui me choque le plus. ça veut dire que ce qui était possible il y a 30 ans ne l’est plus aujourd’hui. La France régresse, devient étroite d’esprit et égoïste. On devrait au contraire s’ouvrir et évoluer mais quand il s’agit une minorité silencieuse l’intérêt (financier) est limité.

  2. La France régresse, oui et l’esprit d’innovation n’est plus là! La passion de l’innovation et de la médecine au service du patient non plus… Cet article est assez BAMP à la réserve du titre qui est racoleur mais un peu anti-BAMP… Merci pour cet article, je ne le connaissais pas !Apo

  3. Malheureusement vous avez raison, ceux qui ne sont pas concernés sont étroits d’esprit !! Nous régressons et le pire c’est que peu de gens s’en préoccupe… L’Eglise n’aide pas pour l’ouverture d’esprit et c’est bien dommage, car pour moi la pma n’enlève rien au miracle de la vie…

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