Patrimoine génétique et don d’ovocyte – Rue 89

Voici un article paru le 3 juillet, écrit pas ELSA FAYNER pour RUE 89

Patrimoine génétique 03/07/2013 à 18h55

Ce que transmet une femme à un embryon qui n’est pas le sien

Elsa Fayner | Journaliste Rue89

Paillettes de sperme au Cecos de l’hôpital Cochin à Paris en 2010 (Audrey Cerdan/Rue89)

On se pose la question pour les mères porteuses. Pour ces couples de lesbiennes, de plus en plus nombreux, où l’une fournit les ovocytes, et l’autre porte l’embryon. Mais cette question vertigineuse concerne bien plus de femmes, toutes celles, infertiles, qui ont recours à des dons d’ovocytes.
Le comité consultatif national d’éthique a reporté à début 2014 le débat sur la PMA, la procréation médicalement assistée. Ça nous laisse le temps de répondre à cette question : quand une femme porte un embryon qui n’est pas le sien, que lui transmet-elle ? Elle sera mère, juridiquement, puisqu’en France, « c’est l’accouchement qui fait la mère », mais aussi l’adoption.
Certes, celle qui donne vie à un enfant fabriqué avec les gamètes d’une autre ne transmet pas son patrimoine génétique. Mais durant ces mois, il se passe des échanges et des interactions qui seront déterminants.

Anticorps, nutriments, tabac, médicaments

Que la mère porte un embryon issu de ses ovules ou pas, pour l’embryon en question, durant la grossesse, cela ne fait pas de différence, constate Laurent Salomon, gynécologue obstétricien à l’hôpital Necker. Le placenta – un acteur clé dans notre sujet – fonctionne de la même manière.
Concrètement, au niveau de ce placenta, les racines fœtales trempent dans le sang maternel. Les échanges y sont « très intenses ». Des substances peuvent passer : à travers les membranes pour les plus petites, par un « transporteur » naturel pour les autres, ou par les cellules de la barrière, voire au travers de la barrière si celle-ci est abîmée. Enfin, certaines substances entrent directement par le vagin et le col de l’utérus.
Du côté des substances sympathiques qui peuvent passer, on recense :

  • les nutriments (sucres, etc.) qui apportent de l’énergie ;
  • l’oxygène ;
  • la plupart des anticorps, qui vont persister pendant plusieurs semaines après la naissance, le temps que l’enfant développe les siens pour se défendre en cas de maladie.

Du côté des substances qui peuvent être nocives, on compte :

  • les toxiques, en particulier les drogues, l’alcool, le tabac ;
  • les substances infectieuses : certains virus, bactéries, parasites ;
  • certains produits utilisés pour les examens médicaux ;
  • certains médicaments (ce qui peut avoir un impact positif, d’ailleurs : pour soigner un fœtus malade, il est possible de donner un médicament à la mère… qui lui fera suivre).

Bref, c’est un peu l’auberge espagnole. Ce qui fait dire à Laurent Salomon que la grossesse « est une greffe qui fonctionne parfaitement ». Le corps de la mère accepte des éléments étrangers (les antigènes du père, comme les ovocytes d’une autre femme). Il est « immunotolérant ». Ce qui est rare. « Et on ne sait toujours pas exactement comment l’expliquer. »

Voix, langue, plaisirs et peurs

La psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval écoute toutes les semaines des femmes qui ont reçu un don d’ovocytes :

« Beaucoup disent : “Je sais bien qu’il n’aura pas les yeux de ma grand-mère”, mais elles sont persuadées qu’elles transmettent plus qu’on ne le croyait jusqu’à récemment pendant leur grossesse. Elles ont l’impression d’avoir dit une bêtise quand elles expriment ce ressenti. En réalité, même dans les colloques médicaux, la grossesse n’est plus considérée comme un simple portage. »

Et l’auteure de « Familles à tout prix » (Seuil, 2008) de raconter une patiente musicienne qui a reçu un don d’ovocytes et joué du piano durant les neuf mois, dans l’espoir d’avoir une fille musicienne. Une lubie inutile ?
Pas totalement, explique Laurent Salomon :

« Le fœtus modèle et développe son cerveau, qui est le support de la plupart de ses réponses comportementales, avec l’environnement qu’il a durant la grossesse. »

Il peut s’agir des voix, des sons, des langues qu’il entend dans le ventre. D’ailleurs, poursuit le médecin, dès sa naissance, l’enfant répond de manière différente à la langue entendue durant la grossesse. Il développe également une certaine sensibilité aux sons – agréables ou désagréables – qu’a entendus la femme qui l’a porté.
Cela va même plus loin. Le fœtus sent si ces sons, odeurs, ou autres, déclenchent du plaisir – ou de la peur – chez la femme qui le porte (en fonction des endorphines qu’elle produit). Résultat : « Le fœtus se sentira lui-même bien – ou mal – dans ces mêmes situations. » Il fabriquera les mêmes associations, au moins durant un certain temps.
Mais peut-on aller plus loin ? Au-delà du temps de la grossesse, le fœtus hérite-t-il d’un peu du patrimoine de la femme qui le porte ?

Les gènes ne passent pas par le ventre

Génétiquement, la mère porteuse « ne transmet rien, sauf scoop à venir », répond Stanislas Lyonnet, professeur de génétique à l’université Paris-Descartes :

« Le patrimoine génétique de l’embryon est déterminé à la conception. Quand l’embryon s’implante dans l’utérus, il a tout ce qu’on peut imaginer de patrimoine génétique. Le contact avec l’utérus maternel n’a pas d’influence. »

Pour lire la suite de l’article, c’est par ici.

Bon c’est toujours un peu la même histoire, sur la génétique et l’épigénétique, questions qui semblent essentielles, qui serait la clé d’une parentalité et d’une filiation idéale et insouciante. C’est du moins, souvent comme ça qu’elle est présenté : la primauté de la transmission des gènes.

Mettre en exergue la génétique impose une certaine vision du monde. Vision quelque peu binaire (0 ou 1, noir ou blanc, gènes en commun ou pas de gènes en commun). Mais on peut essayer de penser autrement aussi. Une pensée plus ouverte, plus circulaire. Car en lisant cet article on peut se demander si nos enfants sont moins nos enfants, parce que nous ne leur avons pas transmis NOTRE ADN ? Est-ce qu’ils seraient plus nos enfants, parce qu’il y a « quand même des choses qui passent » ? Pourquoi vouloir à tous prix que quelque chose passe, comme si ce seul aspect allait déterminer mon statut de parent et celui de mon enfant. Nos enfants sont nos enfants.

Que dis la génétique de tous ces enfants qui ont reçu une partie du patrimoine génétique de leur parent, mais qui ne sentent finalement pas les enfants de ces parents, ou que leur parents ne reconnaissent pas comme leur enfants. Si l’aspect génétique était aussi déterminant, nous éviterions toute une série de malheureux.

Mais nous sommes conditionnés à penser que la génétique est la clé, le sésame du bonheur parental et filial. C’est ce conditionnement qui me dérange, car il laisse peu de place à d’autres façon d’envisager, la parenté.

La parenté, est une très vieille histoire humaine, qui a commencé à se structurer à une époque qui ne se souciait guère de la génétique. Les ethnologues et les anthropologues en parlent très bien. Une construction sociale avec ses règles, ses normes, ses codes, son organisation dans laquelle la génétique ne joue que le rôle au départ de l’alchimie de la construction d’un embryon.

La vie nous montre que l’embryon, qu’il soit 100 % issu des gènes de ses deux parents, ou pour 50 % (dans le cadre d’un don de gamètes), et encore 0 % en ce qui concerne le don d’embryon ; il ne s’encombre pas de savoir combien de pourcentage de gènes il partage avec cette femme, s’il doit s’accrocher, il s’accroche.

Par contre, une fois que l’enfant est arrivé dans le monde des humains, la question génétique peut revenir en force, soit pour justifier d’une décision judiciaire et/ou administrative, soit pour orienter d’un point de vue psychique, social, affectif l’histoire de la famille nouvellement constituée.

Mais vous pouvez voir les choses autrement aussi !

IROUWEN

Commentaires à propos de cet article (4) :

  1. Les 2 sont importants, bien sûr que la génétique est essentielle, bien sûr que ce qui se transmet pendant la grossesse de la mère à l’enfant est essentiel. Bien sûr que dans un monde idéal, on a envie de porter un enfant issu de ses gamètes et de celles de la personne qu’on aime. Mais on n’est pas en PMA dans ce cas… Alors il faut faire parfois le deuil, de ses gamètes, de celles de son conjoint, t/ou de porter l’enfant en cas de GPA. Parce qu’on est obligé de s’inventer un autre chemin vers la parentalité. Et il ne faut pas minimiser l’un ou l’autre parce que cela nous arrange au vu de sa situation. On fait avec et on s’invente sa propre histoire de couple et avec l’enfant, … si on a la chance d’arriver là… Apo

  2. Ses questions de l’inné et de l’acquis je me les pose maintenant, avant.
    La transmission de gènes ne se résume pas à la transmission des caractéristiques physiques. Avoir un enfant qui ne soit pas notre copie conforme n’est pas important, qu’y-a-t-il d’autre de transmissible via les gènes ?
    Si le don fonctionne, je pense que je me poserais d’autres questions comme : sa santé, son éducation, son avenir….. Comme toutes les mères quoi !

  3. Merci Irouwen pour cet article et ton analyse. Je sais définitivement depuis peu que nous devrons partir vers le don d’ovocytes et en effet des tas de questions se bousculent. Alors comme Marinette ce n’est pas le problème que notre enfant ne soit pas ma copie conforme. Ce qui m’inquiète c’est l’après, la découverte d’une maladie génétique…. comment notre enfant va vivre le don ? mais en effet si le don fonctionne nous serons certainement comme toutes les mamans inquiètent tout simplement mais tellement heureuses

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