Porter l’enfant qui se fait attendre, Monsieur Loulou témoigne

Voici un témoignage  MASCULIN sur le désir de paternité, publié sur le blog de TITPOUCE
Témoignage que TITPOUCE ET LOULOU souhaitent partager sur le blog du collectif. La parole masculine étant rare sur ce sujet, je vous invite à lire, ou a relire ce témoignage.
Merci à Titpouce et à Loulou pour cette proposition.

Le désir de bébé vu par Loulou

Publié le août 11, 2013par titpouce

J’écris à tâtons sur un territoire inconnu…
D’abord merci à tit’ chérie de m’offrir une petite case dans son monde de Pmette blogueuse. Et à vous de votre patience si vous lisez ce post jusqu’au bout, il paraît que je ne suis pas synthétique… demandez donc à ma femme ;)
Quand tit’chérie m’a lancé, comme ça, au détour d’une phrase, « ça te dirait d’écrire un article sur mon blog ? », je me suis dit : « Oups, moi ? mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir écrire ? Est-ce que ça ne va pas faire… intrusion ? »… Mais, comme si elle lisait dans mon esprit, ce qu’elle fait si bien au quotidien d’ailleurs, elle m’a tout de suite précisé le fond de sa pensée : il y a une photo, que l’on a prise au Portugal, au beau milieu d’un lieu à part. Une photo pleine de sens mais qui me concerne en tout premier lieu. Une photo incroyable d’une statue incroyable. J’ai tout de suite compris de quelle photo il s’agissait. Et en effet, je ne peux pas faire autrement que de laisser courir mes doigts sur le clavier à propos d’elle.
Sans plus tarder, je lève le suspense, et vous laisse le temps de la regarder attentivement.

Image
Voilà qui est fait ? Continuons, alors.
Je vous l’avais dit. Une statue incroyable. Il fallait y penser… Je crois que l’artiste qui a imaginé puis sculpté cet homme, qui abrite en lui un petit être, a véritablement compris ce que c’est que le désir d’être père, profondément.
Pour moi, on n’attend pas un enfant « à côté » de sa femme, ou même « avec » sa femme, dans le sens où on l’accompagnerait dans un périple où nous, les « bonhommes », n’avons aucune réelle part. Attendre un enfant, c’est tellement plus que ça pour un papa… surtout quand le petit bout se fait désirer. Un papa ne pourra jamais porter physiquement son enfant, c’est vrai. Mais son enfant, son bébé, ce petit être qu’il guette, qu’il recherche, qu’il espère, qu’il supplie d’entrer dans sa vie, il le porte en lui dès la première seconde où ce désir naît dans son cœur. Et ce, même s’il est physiquement, médicalement, scientifiquement incapable de le porter, même sous la forme d’un « petit warrior » en bonne santé… (oui, c’est le petit nom que tit’chérie et moi aimons donner aux mini-zozoïdes qui ont décidé de faire la grève dans mon corps… plusieurs d’entre vous le savent certainement déjà).
Comme cet homme figé dans la pierre, je porte en moi l’enfant que nous désirons si fort, et de plus en plus fort, depuis que nous sommes tombés amoureux. Cet homme, on pourrait croire qu’il est étonné de trouver cet enfant en lui, si on ne regarde cette statue qu’une seconde. Mais non. C’est tout le contraire.Il se penche vers lui, l’entoure de ses mains, comme pour lui dire « ne t’en fais pas. Papa est là. Il va prendre soin de toi. Il va tout faire pour que tu viennes, que tu pointes ton nez et, quand tu seras arrivé, pour que tu aies une jolie vie, et pour que tu ressentes tout l’amour qu’il a déjà pour toi aujourd’hui, alors que tu tardes encore à venir. Et si possible, pour que tu sois un jour aussi fier de lui qu’il est l’est déjà de toi. Je t’aime, petit ange. Je t’aime et je t’attends. »
Mais voilà. Un jour, tout bascule, et ce petit être que je sentais déjà grandir en moi, prendre toute la place qui lui revient de droit dans mon coeur, semble devoir disparaître. « Monsieur, vous êtes infertile. 100% de mortalité, c’est sans appel. » Voici donc la source du problème. Monsieur ne pourra jamais offrir d’enfant à sa femme. Monsieur est anéanti, se sent vide, se sent inutile, se demande ce qu’il a bien pu faire de mal. Se demande ce qu’il fait là, finalement. Esquisse un fol espoir, l’espace d’une seconde… peut-être qu’il existe une solution… et le chasse bien vite, cet espoir. Ainsi le ventre de la statue n’est plus qu’un ovale vide, où s’engouffrent tous les vents mauvais.
Mais « Loulou » a une femme extraordinaire. Elle le relève, malgré sa propre souffrance. Elle le console, malgré sa propre tristesse. Elle cherche des solutions, malgré son abattement. Et elle en trouve une. Le petit bout d’chou renaît dans le coeur et les tripes de son homme. L’ovale se comble à nouveau : c’est parti pour la FIV icsi. « Ils ne bougent pas ? Qu’à cela ne tienne. On va les faire avancer nous-mêmes. On va leur mâcher le travail. ils n’auront plus qu’à s’installer dans le nid douillet de maman ». Super…
Charge à Monsieur, maintenant, de donner de sa personne à chaque fois qu’on le lui demande. Pas si simple. Voire, parfois, très compliqué. Moralement. Physiquement aussi. Mais l’espoir est là, la solution au bout… peut-être. Et puis, comment se plaindre, alors que tit’chérie, elle, souffre le martyre avec des traitements hormonaux qui la torturent. Quelle impuissance face à tant de douleurs… Monsieur fait de son mieux, tente de rester toujours fort, craque par derrière, parfois ouvertement quand il n’en peut vraiment plus. Dur de voir que ça n’est pas lui qui endure toutes ces douleurs alors que, « logiquement », ça devrait être lui… C’est étrange de constater à quel point on peut culpabiliser à propos de situations qu’on n’a jamais demandées, qu’on n’a jamais provoquées volontairement, et contre lesquelles on ne peut rien… mais on culpabilise quand même. Que ceux qui nous disent que c’est bête y regardent à deux fois : comment peut-on réagir autrement quand ça nous tombe dessus ?
Mais là encore, Loulou a une femme merveilleuse. Elle trouve les mots pour ôter ce faux poids de coupable des épaules de son homme. Patiente. Tendre. Compréhensive. Mais déterminée, et ça paye, doucement mais sûrement.
Pourtant, bébé-dedans-Monsieur reste une forme qui va et qui vient, qui vacille. L’incertitude de l’attente le rend fuyant, impalpable. Au fur et à mesure des tentatives, Monsieur se prend à se demander pourquoi sa femme doit subir toutes ces souffrances, si au final, lui n’est pas… « à la hauteur » ! Puis, la rencontre se fait, quelques petits mélanges de nous se sont accrochés ! L’espoir rend le petit être plus présent, plus fort, et Loulou futur-papa le couvre à nouveau de ses mains et se surprend même, après transfert, à lui parler, à l’encourager, « accroche-toi, petit ange, accroche-toi bien »… Et puis, les désillusions le rendent tout à coup bien plus flou, immatériel, si léger… le vent s’engouffre à nouveau dans cet ovale bien fragile.
On annonce finalement à Monsieur que cette solution-là  n’aura pas d’issue. Les warriors ne pourront plus donner la vie, ils sont trop fatigués, trop mal-formés. Le don sera désormais la seule alternative possible.
Le don… nous en parlions depuis plus d’un an. Nous nous y étions préparés. Monsieur avait déjà fait un énorme travail sur lui même, qu’il n’aurait jamais imaginé pouvoir faire sans sa petite femme adorée. Quelque part, ça a été un soulagement. Ne plus voir tit’chérie souffrir, surtout avec tant d’incertitudes à la clé, c’était un de mes plus chers désirs… Mais quand même…
C’est seulement un peu plus d’un mois après avoir appris cette nouvelle que nous sommes tombés nez-à nez avec cette étrange statue. Au regard de tout ce parcours, vous comprendrez aisément que mon premier sentiment fut la tristesse devant cet homme qui, devant moi, même s’il était de pierre, portait son enfant en lui. Une réalité que je ne vivrai jamais… Mais très vite, tout cela a été balayé. Cette statue ne me narguait pas. Elle ne me renvoyait pas à ma propre infertilité. Elle me représentait. Cet enfant, je le porte dans mon coeur, dans mon âme, dans chaque fibre de ma chair. Cet enfant, je le désire plus que jamais. Cet enfant, je le porterai en même temps que ma femme. Je le verrai et le sentirai grandir en elle chaque jour. Je l’accueillerai à son premier souffle. Je l’aime déjà aujourd’hui et je l’aimerai jusqu’à mon dernier jour. Cet enfant, depuis le début, est en moi. Le don n’y changera rien. Je serai son papa, je le suis déjà. Quelqu’un, un héros anonyme comme dans les films, va seulement me donner un coup de pouce pour que ce rêve se réalise.
Aujourd’hui, l’ovale est occupé par un petit être qui n’en sortira jamais. Mon enfant est et restera à tout jamais dans mon coeur. Pas seulement, d’ailleurs. Observez donc la statue qui suit, qui m’a aidé à comprendre tout le sens de la première…
Image
Je suis cet homme. J’ai une femme qui m’a aidé à rester debout, comme cet homme est debout. Notre enfant est constamment présent là-haut dans mon esprit, ici dans mon coeur, et au plus profond de moi, comme pour cet homme. Ce bébé naîtra de notre amour, et saura un jour le combat que ses parents ont mené pour lui faire don de la vie, pour lui offrir toute une existence durant laquelle il sera aimé autant par l’un que par l’autre.
Nous n’avons jamais été aussi proches d’être parents. Je n’ai jamais été aussi proche d’être papa, pour mon plus grand bonheur. Quelle drôle d’aventure, tout de même, la vie…
Je souhaite à tous les « zhôms » de cette blogosphère, qu’ils soient blogueurs ou, peut-être plus souvent, « zhôm de blogueuse », à vous tous futurs papas (et aussi à vous futures mamans !), d’avoir enfin un jour le bonheur de tenir dans vos bras le fruit de votre amour… quel que soit le combat que vous menez.
« Monsieur » vous souhaite le bonsoir et vous laisse à nouveau entre les mains de tit’chérie ! ;)
Et…en bonus, cette chanson magnifique de Calogero, qui me fait dire que j’aimerais être un papa comme ça… :
« La Bienvenue »

Commentaires à propos de cet article (10) :

  1. Bah voilà, 7h23, je dois partir au boulot, et j’ai les larmes aux yeux! C’est malin…
    Je pense faire don de mes ovocytes si c’est possible lorsque notre parcours aura abouti et c’est exactement comme ça que je vois les choses : les parents sont ceux qui désirent, attendent (via une grossesse ou un processus d’adoption), élèvent les enfants. Il n’y a aucun doute sur qui sont les parents.
    Témoignage très émouvant.

    1. Merci Lila. Moi aussi je pense très sérieusement au don d’ovocytes, une fois que nous aurons clos définitivement notre projet parental. Pour ma part, ce sera en Belgique, vu que c’est ce même pays qui nous a accueilli à bras ouverts et nous a permis de connaître le bonheur aujourd’hui, d’avoir un bébé qui pousse.

  2. Merci Monsieur Loulou pour ce témoignage si sensible, si fin, si plein de sincérité et de la salutaire autodérision sans laquelle il est difficile de tenir longtemps sur ce trop long parcours… Comme on est heureuses de lire ce que ressentent et partagent les « zhôms » dans leur désir d’enfants!
    Pour ma part, j’avoue parfois me dire qu’il serait plus simple que ce soit mon monsieur chéri à moi qui porte notre enfant, que cela ne me poserait aucun problème que les rôles soient inversés…
    Merci de me faire découvrir ce joli blog.
    Titpouce, Monsieur Loulou, je vous embrasse de tout mon coeur et vous souhaite le meilleur!

    1. Loulou est un peu pris par son travail, mais il te remercie pour ton commentaire. Merci à toi de t’être intéressée à cet article. Le meilleur est arrivé il y a peu de temps, grâce à la Belgique l’IAD2 a porté ses fruits, nous attendons notre petit pour juillet 🙂
      Je t’embrasse également bien fort, à mon tour de te souhaiter le meilleur pour toi et ton monsieur chéri à toi 😀

    1. Merci à toi d’avoir pris le temps de tout lire 🙂 oui, ces statues sont très fortes en émotion, nous ne nous attendions pas du tout à tomber dessus, elles se trouvaient dans un jardin célèbre du Portugal, « le jardin des bouddhas ».

  3. En lisant ton article j’ai ressenti un étrange frisson de tristesse et de compréhension mélangé.
    Le lien ,entre tes paroles et cette image , est très bon , c’est aussi une magnifique déclaration d’amour envers ta moitié . Félicitations à vous deux pour votre réussite. Des biz

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *