Grossesses spontanées chez les couples ayant eu recours à l’Assistance Médicale à la Procréation

Suite à l’article accrocheur mais très orienté, et incomplet…, du magazine Parents, dont nous avions parlé ici , Dolminwen nous avait proposé une lecture critique et éclairante de l’étude australienne dont le magazine Parents s’était inspiré. Elle récidive et on la remercie, car cette fois elle est partie à la source, et nous présente une étude française dont les conclusions sont bien moins tranchées et dont, étrangement, le Magazine Parents n’a pas parlé…

Spontaneous pregnancies among couples previously treated by in vitro fertilization. P.TROUDE et al; Fertility and Sterility Vol. 98, No. 1, July 2012 0015-0282

Il s’agit d’une étude française, publiée en 2012, réalisée par P. Troude et ses collaborateurs dans le cadre du groupe de travail DAIFI (Devenir Après Interruption de la FIV http://u569.kb.inserm.fr/DAIFI/index.htm ) qui inclus l’INED (Institut National d’Etudes Démographiques), l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale), l’Université Paris Sud XI ainsi que différents centres médicaux de Paris et province : le CHU Estaing à Clermont-Ferrand, le CHU Clémenceau à Caen, le CHR St-Jacques à Besançon, la Clinique Mathilde à Rouen, le Centre Hospitalier des 4 Villes à Sèvres, l’Institut de Médecine de la Reproduction à Marseille, l’Hôpital Cochin et l’Institut mutualiste Montsouris à Paris.

Entre les années 2000 et 2002, 4029 couples ont été contactés dans les centres partenaires. Un questionnaire (informations sociodémographiques, causes de l’infertilité et traitements médicaux, survenue de grossesse spontanée, recours à l’adoption) leur a été envoyé 7 à 9 ans après leur inclusion. 2321 couples ont répondus et les résultats de 2134 couples ont été analysés (187 se sont séparés et ont donc été exclus). Cette cohorte de 2134 couples a ensuite été divisée en deux sous-groupes dont les données seront analysées séparément :

–      les couples pour lesquels les traitements AMP ont été un succès (1320 couples)

–      les couples pour lesquels les traitements ont échoués (814 couples).

Les naissances après grossesse spontanée ont été rapportées par les couples via le questionnaire. Les dates de naissances ont été enregistrées et mises en relation avec les dates de premier et dernier essais d’AMP collectées dans les centres d’inclusion. Pour le groupe « succès de l’AMP », la date de naissance de l’enfant a également été collectée.

RESULTATS :

  • Pour le groupe « succès de l’AMP » (n = 1320)

L’âge médian des femmes lors de l’inclusion est de 32 ans. Pour 32% des couples les causes d’infertilité sont féminines, dans 37% des cas masculines, féminines et masculines dans 18% des cas et inexpliquées chez les 13% restant.

Sur une durée médiane de 6 ans, 218 couples ont obtenu une grossesse spontanée suite à la naissance de leur précédent enfant grâce à la PMA (toutes techniques confondues), soit 17% d’entre eux. Ces grossesses spontanées sont survenues majoritairement sur une période de 3 à 4 ans après une naissance suite aux traitements médicaux (médiane : 33 mois).

  • Pour le groupes « échec de l’AMP » (n = 814)

L’âge médian des femmes au moment de l’inclusion dans la cohorte est de 34 ans. Pour 43% des couples les causes d’infertilité sont féminines, dans 28% des cas masculines, féminines et masculines dans 17% des cas et inexpliquées pour les 12% restant.

Cette fois, pour une durée médiane de 7 ans, ce sont 193 grossesses spontanées qui ont été rapportées, soit chez 24% des couples. Ces grossesses spontanées sont survenues dans les 2 ans suivant le dernier essai d’AMP pour 60% d’entre eux, ce qui pourrait suggérer que c’est du fait de la grossesse spontanée que ces couples n’ont pas repris le chemin de l’AMP, et donc en sont sortis en « échec médical » (puisque les auteurs estiment à 18 mois en moyenne la durée entre deux tentatives).

Pour les deux groupes, les auteurs ont remarqué que ces grossesses spontanées sont plus fréquentes notamment quand le couple est jeune (moins de 30 ans pour les femmes, moins de 35 ans pour les hommes), quand la durée d’infertilité est courte (inférieure à 3 ans), quand l’infertilité est inexpliquée et quand le nombre d’essais de FIV est faible.

Les auteurs soulignent quand même que, bien que les grossesses spontanées soient possibles dans 24% des cas, les chances de conception par mois dans le groupe « échec de l’AMP » ne sont que de 0.44% quand elles sont de l’ordre de 25% dans la population générale puisque ces grossesses sont survenues sur une période qui s’étire sur au moins 6 ans !

Par rapport à l’étude australienne j’ai trouvé que cette étude était mieux rédigée, avec dès le départ une distinction entre les couples « succès de l’AMP » et « échec de l’AMP », ce qui donne une lecture plus claire des résultats. Les conclusions sont optimistes mais quand même nuancées avec le temps qu’il a fallu à ces couples pour obtenir une grossesse spontanée. La cohorte compte un nombre très important de participants (moins de 450 participantes dans l’étude australienne, toutes catégories confondues) et la période d’étude est aussi bien plus longue (9 ans au total contre 24 mois maximum en Australie). En revanche, je n’ai pas vu clairement indiqué les périodes de contraception mais peut-être ont-elles été déduites mais non rapportées pour ne pas alourdir le texte ?

La question qui reste maintenant est pourquoi le magazine Parents s’est basé sur une étude australienne (qui cite justement l’étude française !!!) et non sur cette étude pour rédiger son article, est-ce que c’est parce que les conclusions allaient plus dans leurs sens ? (pour rappel, la question était : « les FIV sont-elles prescrites un peu trop vites ? » avec ce titre très accrocheur : « Enceinte naturellement, c’est fréquent après une FIV »).

Commentaires à propos de cet article (26) :

  1. Visiblement, on n’a pas la même définition du mot « fréquent » !
    D’autre part, la PMA c’est du cas-par-cas, et dans l’établissement où nous avons consulté, c’est flagrant. Ce n’était pas une « usine à bébés », où on « prescrit les FIV trop vite » comme dit l’article. Ce n’est peut-être pas le cas partout.

      1. Oui surement même si 1 mois avant la « conception » il avait un spermogramme encore très très bof!!
        Mais c’est clair que si toutes les femmes d’OATS arrivaient un jour à tomber enceinte naturellement, ca se saurait!!!!! Faut pas en faire une généralité loin de là … Les petits miracles ca n’arrive que trop peu de fois malheureusement

  2. Rare sont les personnes qui remarquent (et je ne trouve pas l’info non plus dans cette étude) que les grossesses spontanées arrivent le plus souvent quand l’infertilité est unilatérale.
    En tout cas, quand untel ou unetelle me parle du couple stérile qui a eu un enfant miracle (comme toi Cendrillonenpma), la conclusion ressort à 99% qu’une seule personne du couple avait des problèmes d’infertilité.
    Les médecins ont d’ailleurs été très clair avec nous quand ils ont vu mon dossier : « vous savez, il y a des grossesses naturelles même dans votre cas Madame »… et le type se rendait compte que sous mon dossier il y avait celui de mon mari et là le refrain différait immédiatement : « ah, Monsieur aussi a de sérieux problèmes …. ah bon … en effet, les chances de grossesse pour vous sont inexistantes, désolée ».
    Parce qu’on sait tous qu’un seul spermatozoïde suffit pour féconder un ovule et qu’un ovule suffit pour être fécondé mais quand il n’y a ni l’un ni l’autre là c’est un peu plus compliqué ! lol

    1. Pour nous, notre médecin nous a dit que ça relèverait du miracle et qu’il ne faut pas s’y attendre alors que seul mon mari a un souci (térato). Ça peut aussi bien arriver à 2 personnes ayant des problemes et jamais à une couple dont seule 1 personne a des soucis.

  3. Je sais pas si les études le disent mais j’ai l’impression que les grossesses spontanées arrivent lorsque c’est l’homme qui est porteur de l’infertilité. Est ce que je me trompe?

    1. Je suis tout à fait d’accord, ça rejoint ce que je pense. Il suffit d’un spermatozoïde donc un homme OATS extrême comme le mien ou celui de Cendrillonpma peut avoir ce bébé miracle. Pour les femmes en IOP comme moi par exemple c’est déjà plus difficile parce que non seulement on n’a quasiment plus d’ovocyte mais en plus le peu qu’on peu avoir est de mauvaise qualité.

      1. d’autant plus que chez la femme de nombreux paramètres rentrent en compte. L’ovulation, les trompes, l’endometre… Autant d’obstacles potentiels…

  4. Chez nous grossesse miracle malgré OATS très sévère, RAS coté féminin (400 000 spz au test de migration survie dont 99% d’atypiques), malheureusement grossesse arrêtée à 9SA mais grossesse il y a eu… (bon, on reste en fiv icsi parce que bon, gagner au loto 2 fois, faut pas rêver…). Ma gygy m’avait dit de ne pas confondre infertilité et stérilité : « le problème c’est que dans un cas comme le votre, ça peut prendre 6 mois, 10 ans ou ne jamais arriver! »

  5. Moi aussi, je suis enceinte d’un bébé miracle. (groupe succès de l’AMP, les deux parents infertiles, et enceinte à nouveau 5 mois après naissance de bébé1).
    Merci beaucoup pour ta lecture de l’étude, qui nous donne un outil pour répondre aux gens qui nous sortent l’habituelle ritournelle du « vous voyez, quand on n’y pense pas… etc »
    J’ai conscience de la chance que j’ai, et vous souhaite à toutes la même. Ou au moins le succès pour la PMA.
    Merci encore pour le travail sur l’article.

  6. Je rejoins entièrement Pivoines et Tittounett.
    Je ne connais AUCUN cas de grossesse spontanée (miracle donc) quand la femme est en IOP !
    Quand l’infertilité est féminine, il n’y a pas de grossesse miracle.
    Et d’ailleurs, je serais véritablement « heureuse » de trouver au moins un témoignage d’une femme atteinte d’IO comme moi et pour qui le miracle de la grossesse spontanée aurait opéré…

      1. mais avec des ovaires micropolykistiques et des cycles une fois toutes les morts d’évèque, je suis quand même considérée comme pas très très très fertile! Mais belle réserve d’ovules pas beaux.

    1. Et bien je me permets de témoigner : je suis en iov, j’ai une suractivation immunitaire au niveau de l’uterus, une amh proche du néant et mon mari est OATS. Oui on cumule… Bref grossesse spontanée après 3 FIV isci. Dois je préciser que je suis tombée enceinte un mois ou j’ai ovulé du côté de ma trompe bouchée ?…

      1. Peux-tu m’expliquer l’histoire de ta suractivation immunitaire de l’utérus ? Comment cela a-t-il été diagnostiqué? Biopsie d’endomètre et/ou test de chez matrice lab? Ça m’intéresse pour mon cas perso… merci d’avance !

    2. Hello Lulu, écoute, je ne veux surtout pas te donner de faux espoirs mais après 2 ans et demi de PMA (6 inséminations –, 1 FIV –> grossesse arrêtée à 10 SA, 2 stimulations avec résultat merdique (2 puis 1 ovocytes, tous vitrifiés), taux d’AMH à 0,4, diagnostic d’IOP posé fin novembre, on devait faire la dernière tentative de FIV début janvier. Sauf que je me retrouve enceinte entretemps ! Je l’ai su le 14/01 : j’avais trois jours de retard et la gynéco qui fait les échos de comptage des follicules antraux m’avait dit « faites un bHCG, qu’on puisse vous donner Duphaston pour forcer vos règles à arriver ». Dans mon esprit, c’était juste mon corps qui faisait encore le con alors tu vois, je ne m’attendais vraiment pas à ça. D’ailleurs, ma première réaction a été la contrariété : après mes deux cycles de stim à chier où le médecin m’avait dit que ça allait être coton, là, j’avais 4 beaux follicules à 4mm à gauche et 3 à droite, je me sentais confiante… Mais après cet étrange mouvement d’humeur, j’ai réalisé que PUNAIIISE, C’EST UN MIRACLE ! Mais j’ai tellement peur d’être en train de rêver, tellement la trouille que tout s’arrête (en mode le Ciel qui me dirait : « Hé, c’était une blague ! Hahaha, elle était bien bonne ! »), que je n’arrive pas à me détendre. Surtout que mes taux sont bas (37 le 13/01, 77 le 16/01, 274 lundi dernier), dixit l’obstétricien qui me suit (mais le biologiste du labo, ancien de Béclère, et un ami qui bosse à Jean Verdier m’ont dit, eux, « bonne évolutivité », alors qui croire !). Je me sens comme en PMA, toujours suspendue aux résultats de l’examen d’après… L’angoisse de perdre cet enfant-cadeau du Ciel est si présente qu’à part mon homme et le corps médical, seul mon père est au courant (et uniquement parce que sa chérie est médecin). Je pourrai enfin respirer librement après l’écho des 12 SA, si on va jusque-là et que tout roule. Bref. Tu vois, même avec un diag d’IOP, un miracle peut arriver. Et c’est ce que je te souhaite !

      1. Joli témoignage ! Félicitations !!!
        Mon miracle à moi est là, depuis -déjà- presque 22 mois 😉 et je suis la plus heureuse des mamans…

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