Comme deux gouttes d’eau – Isabelle Ortic

Aujourd’hui, nous vous présentons un nouveau témoignage sur un parcours d’AMP. Isabelle Ortic a écrit « Comme deux gouttes d’eau », livre sorti début juin 2014. Ce livre  raconte le parcours de son couple pour devenir parents, fiv classiques en France, recevoir un don de sperme en Espagne, avoir des jumeaux, donner ces ovocytes. Nous vous laissons découvrir son livre et nous vous proposons quelques questions-réponses, pour mieux découvrir l’auteur.

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  BAMP : Pouvez-vous vous présenter ?
Isabelle Ortic : Je m’appelle Isabelle Ortic. J’ai 34 ans. Je suis professeur des écoles depuis 12 ans. Je suis mariée et maman de jumeaux, deux petits garçons de 3 ans.
BAMP : Pouvez-vous nous présenter votre parcours d’AMP ?
Isabelle Ortic : A la suite d’un diagnostic d’infertilité masculine, nous avons été orientés en FIV ICSI. Nous avons effectué 4 FIV ICSI ainsi que 3 transferts d’embryons congelés. Nous avons eu deux débuts de grossesses et malheureusement deux fausses couches. Nous avons alors décidé de partir en Espagne pour bénéficier d’une insémination avec un don de sperme et la première tentative a été la bonne pour notre plus grand bonheur…
BAMP : Quelle a été ou quelles ont été les motivations pour l’écriture de ce livre ?
Isabelle Ortic : Ma première motivation était de garder, pour moi uniquement, une trace de cette aventure. Puis je me suis dit qu’il était important de la partager avec le plus grand nombre afin de faire parler du don de gamètes. Il y a trop peu de donneurs en France alors si les principaux concernés par ce sujet n’en parlent pas, qui le fera ?
BAMP : Combien de temps avez-vous travaillé à l’écriture, quand l’avez-vous écrit ? Isabelle Ortic : J’ai écrit la plus grande partie du livre durant la fin de ma grossesse. Puis je l’ai terminé après la naissance de mes fils quand ils m’en laissaient le temps 
BAMP : Pour qui avez-vous écrit ce livre et pourquoi ?
Isabelle Ortic : Ce livre est un moyen d’assumer au grand jour notre façon un peu différente d’être devenus parents. Si nous avons toujours réussi facilement à évoquer le don avec nos enfants et nos proches, nous avions tendance à raser les murs quand arrivaient des questions sur les ressemblances par exemple. Ce n’était plus possible pour mon mari et pour moi de dire à nos fils que nous étions fiers de leur mode de conception tout en n’étant pas très à l’aise dès que le sujet franchissait les portes de la maison…
BAMP : Est-ce pour vous un moyen de clore un douloureux chapitre de votre vie ? Où le moyen de soutenir les couples encore en chemin ? Ou autre chose ?
Isabelle Ortic : Lorsque j’étais dans ce parcours, j’ai lu beaucoup de témoignages qui m’ont fait du bien. Je me sentais moins seule car nos proches, pourtant bienveillants, ont parfois eu du mal à comprendre ce que nous ressentions. A mon tour aujourd’hui, d’apporter un peu de réconfort. J’ai eu déjà plusieurs retours chaleureux de personnes qui m’ont dit que j’avais réussi à mettre des mots sur ce qu’ils ressentaient. Mais ce livre se veut aussi militant, en faveur du don de gamètes. Les campagnes d’informations sur ce thème sont peu nombreuses alors j’essaie de communiquer à ma manière. Mon espoir secret est qu’un jour, un homme ou une femme vienne m’annoncer qu’il est devenu donneur ou donneuse après la lecture de mon livre…
BAMP : A qui s’adresse ce livre au plus grand nombre, aux couples infertiles, à vos enfants ?
Isabelle Ortic : Il s’adresse à tous mais avec une motivation différente. Informer le plus grand nombre, aider les couples infertiles qui sont en échec d’AMP intraconjugale à espérer une issue favorable à leur combat pour devenir parents. Quant à mes fils, s’ils le souhaitent et quand ils seront suffisamment grand pour le faire, ils pourront connaître leur « pré-histoire ».
BAMP : Vous avez deux enfants, vous venez d’écrire un livre, vous sentez-vous encore un couple infertile ?
Isabelle Ortic : Oui, je nous ressens toujours comme un couple infertile. Quand nous discutons avec des amies de contraception, je me sens toujours un peu à part. Entre pilule, stérilet et implant, moi j’ai choisi la stérilité ! Mon rapport à la maternité sera à jamais marqué par ce parcours. Cela ne nous empêche pas d’être créatifs par ailleurs et d’être des parents comblés…
BAMP : Votre livre parle d’un parcours de FIV compliqué en France, pouvez-vous nous résumer en quelques mots, ce qui a été le plus difficile à vivre ?
Isabelle Ortic : Ce qui a été difficile en France ce sont les échecs successifs alors que notre problème était apparemment assez facile à régler avec les techniques d’aujourd’hui. Nous faisions partie des favoris et pourtant…On a aussi souvent eu l’impression d’être des numéros dont le dossier était traité avec une certaine approximation.
BAMP : Pensez-vous que ces difficultés étaient propres à votre parcours ou quelque peu généralisées à de trop nombreuses situations ?
Isabelle Ortic : Honnêtement, je ne sais pas car je ne peux parler que de ce que je connais. Mais à mon avis, le ressenti, après coup, est bien différent selon le résultat. Les couples qui concluent le parcours PMA avec un beau bébé arriveront certainement mieux à évacuer les mauvais souvenirs de cette aventure que les autres…
BAMP : Ensuite vous abordez votre parcours pour recevoir un don de sperme à l’étranger. Est-ce que ce parcours a été plus difficile que le parcours en France ? Différent, sur quels points ?
Isabelle Ortic : Cela a été très différent car extrêmement rapide. Entre le premier contact et le début de ma grossesse, il ne s’est pas écoulé plus de deux mois ! En Espagne, nous ne sommes plus seulement « patient » mais aussi « client », ce qui change beaucoup la donne. D’abord pour le porte-monnaie : tout le monde ne peut pas se permettre de traverser la frontière alors qu’ici nous sommes remboursés et sur ce point, il faut reconnaître que nous avons énormément de chance d’être français. Mais, en Espagne, nous sommes aussi considérés bien différemment : nous sommes beaucoup plus acteurs, notre avis est bien plus pris en compte. Nous sommes accueilli comme un couple en projet d’enfants et moins comme un couple en quelque sorte « malade ». Cela nous a fait du bien de reprendre la main sur notre projet après avoir passé des années à attendre très passivement les différentes décisions du staff.
BAMP : Comment votre conjoint a-t-il travaillé cette question d’une potentiel grossesse avec le sperme d’un autre homme? Et vous ?
Isabelle Ortic : En début de parcours, bénéficier d’un don n’était pas envisageable pour lui. Mais les différents échecs successifs ont fermé la porte à la possibilité d’avoir un enfant de nos gamètes respectifs. S’ouvraient alors à nous trois possibilités : renoncer à fonder une famille, adopter ou passer par le don. J’avais envie de vivre une grossesse donc nous nous sommes tournés naturellement vers le don. Nous étions usés par les FIV en France. Se tourner vers l’insémination (beaucoup moins lourde médicalement) a été une bouffée d’oxygène, un nouveau départ…
BAMP : Que pouvez-vous dire aux couples qui se posent milles questions sur un éventuel recours au don de sperme pour avoir des enfants.
Isabelle Ortic : La question qui revient souvent est comment avez-vous accepté d’avoir un enfant qui ne ressemble pas à votre conjoint. A ça, je réponds que tous les enfants ne ressemblent pas forcément beaucoup à leur père même s’ils partagent leurs gènes et surtout mes deux petits garçons sont des êtres à part entière avec leurs traits propres, leur personnalité. Lors du parcours d’AMP, on pense ovocytes, spermatozoïdes, embryons mais dès qu’ils sont là, ce ne sont plus des amas de cellules mais des enfants comme les autres, simplement conçus différemment. Par contre, dans le couple, le dialogue me paraît essentiel pour passer le cap du don afin que les deux parents soient à l’aise avec cette démarche et l’assument pleinement.
BAMP : Enfin vous parlez du don de vos ovocytes. Pensez-vous avoir eu besoin de réaliser cet acte généreux pour « rendre » ce que l’on vous avait « donné » ?
Isabelle Ortic : D’une certaine façon oui. Lorsqu’on explique à nos fils que « les graines à bébé » de papa sont cassées et qu’un monsieur qu’on ne connaît pas nous en a donné, ça m’a paru logique alors de donner « mes graines » qui fonctionnent pour d’autres. Et surtout, il y a tellement peu de donneuses que si les personnes qui ont vécu l’infertilité dans leur chair ne font rien pour aider les autres, qui le fera ?
BAMP : Que pouvez-vous dire aux femmes qui s’interrogent sur la possibilité de donner leur ovocytes. Isabelle Ortic : Donner ses ovocytes est certainement une des plus belles choses qu’elles accompliront dans leur vie : offrir de la vie, offrir du bonheur, on n’a pas souvent l’occasion de pouvoir réaliser cela. Après, c’est un vrai engagement qui demande un certain investissement pendant quelques mois car le traitement et les examens sont les mêmes que pour une FIV, ce n’est donc pas anodin. Il faut se sentir prêt pour tout cela.   BAMP : Êtes-vous sollicitée pour témoigner sur l’amp en France, le don d’ovocyte, le don de sperme ? Si oui, quels sont les retours que vous recevez par rapport à votre histoire ? Isabelle Ortic : Oui, ce sujet est bien d’actualité mais c’est surtout mon expérience de donneuse qui intéresse. Il y a peu de donneurs et donneuses et encore moins qui témoignent. Quand les gens vivent une histoire proche, ils me disent qu’ils se retrouvent dans mes mots. Pour les autres, ils me disent : « On comprend mieux maintenant ». A part pour mes proches, le livre fait rire aussi et j’en suis ravie…Le mélo, très peu pour moi !
BAMP : Avez-vous des retours de lecteurs qui vous disent que votre livre les a aidés à se sentir moins seuls, à prendre une décision ?
Isabelle Ortic : Beaucoup de lecteurs retrouvent leur parcours et en sont émus. Quant à ceux qui sont dans une démarche vers le don, cette décision est très personnelle et à défaut de les aider à faire un choix, j’espère les conforter dans la décision qu’ils auront prise. En tout cas, j’attends avec impatience de recevoir de nombreux faire-part !
BAMP : Que pensez-vous d’une association comme BAMP ? Pensez-vous que les actions mises en œuvres soient utiles, nécessaires ?
Isabelle Ortic : Oui, l’action de BAMP est nécessaire. Pour que des lois passent et soient appliquées, c’est important que des voix s’élèvent pour faire entendre les besoins et les dysfonctionnements. Et ceux qui vivent et ont vécu la PMA sont certainement les mieux placés pour le faire. Je suis en accord avec quasiment tous les points du manifeste avec une petite réserve quant aux informations sur les donneurs donnés aux enfants. S’il s’agit d’informations médicales, pourquoi pas mais s’il s’agit de lever l’anonymat, je n’y suis pas favorable en tant que receveuse et encore moins en tant que donneuse. J’ai fait un don à la vie. Pour le reste, ce n’est plus mon histoire…   La  page facebook d’Isabelle Ortic

Le mari d’Isabelle Ortic, est musicien, il a composé une chanson qui parle de son amour pour ces enfants : « Petits bouts de moi« , que vous pouvez écouter ici.  Si vous avez un compte Deezer, vous pourrez l’entendre en entier.

Cover Album

Commentaires à propos de cet article (3) :

  1. Merci pour ce joli témoignage et ces échanges intéressants qui peuvent permettre à d’autres couples de s’identifier et d’avancer la réflexion sur le don de gamètes.

  2. C’est bien un de nos regrets. On ne peut pas faire grand chose en échange des ovocytes qu’on a reçus. Les CECOS ne veulent pas de mon mari OATS pour un don et suite à mon accouchement je ne peux même plus donner mon sang. :-/

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