Mon « SOPcas » particulier

 
J’ai 10 ans et l’acné couvre mon visage, des poils commencent à envahir mon corps. J’ai 11 ans et mes premières règles arrivent car malgré ma moustache et ma barbe je suis bien une fille.
Mon adolescence ? Une tranche de vie débutée trop tôt et s’étant prolongée fort tard, que j’aimerais tellement pouvoir oublier.
Côté acné, sévère et masculine sinon ce n’est pas drôle hein, je consulte des dermatologues et prends différents traitements en fonction de mon âge : de la lotion à appliquer sur le visage pour brûler les boutons aux antibiotiques en passant par huit années de Roaccutane / Curacné à dose de cheval. Ma peau souffre, elle est littéralement décapée, à vif par moments, mais c’est le prix à payer pour limiter l’étendue de mon acné et que l’on puisse apercevoir mon visage entre deux boutons.
Côté cycles, ce n’est pas plus brillant, c’est même l’anarchie complète : de 2 mois sans règles (rarement) à 18 mois d’aménorrhée (mon record) je ne sais jamais quand les Anglais vont débarquer en force. Parce que oui, mes règles, les rares fois où je les ai, sont abondantes et douloureuses. Comme si elles voulaient « rattraper » les cycles perdus… Je vais voir un gynécologue qui sans plus réfléchir ni réaliser d’examens, même pas une petite prise de sang, me met sous Diane 35 parce que « ça régularise les cycles ». Je la prends pendant un an puis l’arrête car je suis malade, nauséeuse, à la limite des vomissements 3 semaines par mois et la dernière semaine et bien j’ai mes règles et elles sont toujours aussi pénibles.
Les poils, aucun médecin ne m’en parle, les seuls « avis » que j’ai sont ceux des gens qui me voient dans la rue, au collège, dans le bus, etc. Si j’en crois ce qu’ils disent je suis un singe, le Yéti, un monstre, un hermaphrodite car je me « laisse pousser la moustache » et en plus j’ai « deux queues : une derrière (mes cheveux très longs attachés en queue de cheval) et l’autre devant »… On saluera au passage la « finesse » des commentaires. Bien entendu je me rase, comme un homme, ou plus même car pour être à peu près présentable il me faut le faire deux à trois fois par jour, mais ne nous voilons pas la face : la différence entre un menton imberbe et un menton rasé saute aux yeux.
Rajoutez à cela que je suis plus grande et ma carrure plus large que les filles de mon âge et que ma poitrine ne se développe pour ainsi dire pas et vous comprendrez sans peine que j’en viens à me dire que je suis anormale, une erreur de la nature, que je vivrai toujours ainsi et que les gens ont raison de me traiter de la sorte car je suis telle qu’ils le décrivent : un monstre. Aucun espoir… A la limite de la dépression… Pensées plus que négatives…
(Je tiens quand même à préciser, pour dissiper tout éventuel malentendu, que je suis réellement et totalement une femme, certes quelque peu virilisée, et que je n’ai jamais douté ni de mon identité ni de mon orientation sexuelles.)
J’ai 18 ans et c’est ma première rentrée à la fac ; visite au centre médical universitaire obligatoire. Réaction du médecin (fin psychologue… ou pas) en me voyant : « Mais vous êtes poilue ! C’est dégoutant, pourquoi n’êtes-vous pas allée consulter un endocrinologue ? » Peut-être parce que personne ne m’en a parlé jusque-là et que je ne connais donc pas cette branche de la médecine ? Je prends rendez-vous chez un endocrinologue qui me diagnostique en deux temps trois mouvements (grâce à des prises de sang, etc.) : je suis atteinte du SOPK (syndrome des ovaires polykystiques) dans une forme plutôt sévère. Il prend sur son temps pour m’expliquer diplomatiquement la maladie, ces manifestations et ces conséquences, que c’est elle la cause de tous mes maux ; il me précise que je suis née avec, qu’elle est inscrite dans mes gênes, qu’on n’en guérit pas, mais qu’on peut canaliser ou contourner certains de ses aspects et qu’il le faut sinon le SOPK ne fera qu’empirer. Il me donne dans un premier temps un traitement hormonal adapté, remplacé par une pilule contenant les mêmes molécules mais moins forte une fois les symptômes mis sous contrôle. En quelques petites années mon hirsutisme a drastiquement diminué, j’ai des règles régulières, mon acné disparait en laissant quand même une peau plus qu’abimée. Certes je dois encore me battre contre les poils mais une fois par jour seulement. Certes mes règles sont artificielles mais c’est bien mieux que rien pour ma santé tant physique que mentale. Certes je sais que je devrai stopper ce traitement lorsque je voudrai un enfant et qu’alors tout ou presque redeviendra comme avant, un peu comme le carrosse redevient citrouille aux 12 coups de minuit. Mais pour moi la question ne se pose même pas : bien que je revive je me considère encore comme quelqu’un dont personne ne voudra, on ne perd pas comme cela un état d’esprit dans lequel on vit depuis la moitié de sa vie.
Quelques années plus tard, je rencontre malgré tout celui qui allait devenir mon mari. Nous sommes en essais bébé depuis début mai 2013. Mon gynécologue m’avait dit lors de l’arrêt de contraception que si je n’étais pas enceinte au bout de six mois il fallait que je revienne le voir : il se « méfiait » déjà de mon SOPK… Quatre mois plus tard je n’ai toujours pas de règles, je ne suis cependant pas enceinte, mais je n’y prête pas plus attention que cela : quatre mois ce n’est rien pour moi, plus habituée aux cycles de 12-18 mois. Lors d’un rendez-vous de routine mon gynécologue me demande des nouvelles de ma vie « essais bébé » ; je lui raconte la situation et là il me dit qu’il va me mettre sous Duphaston pour me provoquer de fausses règles, car ce n’est pas bon pour le corps de rester aussi longtemps sans règles et que cela pourrait peut-être en plus relancer la machine. Duphaston fait son effet mais fin octobre mon 2e cycle post pilule dure depuis déjà trop longtemps et rien ne s’arrange dans mon corps ; mon gynéco lance alors la demande de protocole pour stimulation ovarienne par prise de comprimés – Clomid – tout en nous faisant passer à mon mari et moi toute une batterie de tests : prises de sang, hystérosalpingographie, échographies, spermogramme… Nous avons depuis lors fait 5 cycles de Clomid sans aucun effet, 3 mois de stimulation par auto-injections quotidiennes de Gonal-F avec ovulation (voire double ovulation) mais pas de grossesse et nous sommes désormais en phase de constitution de dossier en vue d’insémination artificielle – IAC. En parallèle j’ai appris que l’épilation laser du visage peut être partiellement prise en charge, sous réserve que la cause de l‘hirsutisme soit une maladie hormonale, et j’ai déjà effectué quelques séances qui ont affaibli encore un peu plus ma pilosité faciale.
Si je vous raconte tout cela c’est pour vous dire que le fait d’avoir enfin été diagnostiquée SOPK m’a permis de me sentir plus « normale » que les 10 années précédentes : j’avais enfin une explication, j’ai pu mettre un nom sur mon « anormalité » qui n’est en fait rien d’autre qu’une maladie, je ne suis donc pas un monstre, en plus on peut m’aider à vivre un peu mieux. J’ai pu peu à peu sortir de la spirale infernale. De plus ce diagnostic posé bien avant le lancement des essais bébé nous a permis de gagner du temps puisque mon gynécologue a ainsi pu réagir vite, sans nous demander d’attendre deux ans d’essais infructueux avant de commencer les examens d’exploration d’infertilité.
Donc je dis oui au diagnostic précoce non pas d’infertilité (je ne vois pas l’infertilité comme étant elle-même une maladie) mais du trouble qui en est la cause, que cela soit le SOPK, l’endométriose ou autre, qu’il touche l’homme ou la femme, surtout si ce trouble a des conséquences plus ou moins lourdes sur la vie quotidienne (aspect physique, douleurs, dépression, etc.) et à condition de l’annoncer diplomatiquement, avec une touche d’espoir, une explication de ce que l’on pourra faire pour aider et soulager les personnes concernées.
 
Edhelwen

Commentaires à propos de cet article (26) :

  1. Merci pour ce partage.
    Je crois qu’il est difficile de lire ce texte sans être émue. Puis plus l’histoire avance et plus l’espoir apparaît, la sérénité aussi, alors désormais vivement que le bonheur vous trouve.

  2. Je suis comme toi, OPK, j’ai appris très tôt que j’étais OPK (à 15 ans), ma soeur l’était aussi!
    Comme toi, j’ai eu droit au « Mais vous êtes poilue, je vous met sous Diane 35 ».
    Comme toi, j’avais prévenu mon gynéco avant les essais bébé, et au bout de 6 mois d’aménorrhée, on a démarré les analyses en vue d’une PMA.
    J’ai eu mon fils (né il y a 6 mois) grâce à une FIV (au bout de 3 ans d’essai), mais avant, j’ai eu droit, comme toi, à des cycles « Cloclo et Dudu » qui n’ont pas marché, mais j’ai eu un drilling ovarien avant la FIV. Suite à cette opération, j’ai eu 2 cycles en 6 mois avec ovulation (The Class)!!
    Pour la pilosité faciale, je vérifie tous les jours mon menton pour épiler ce qui sort, et j’ai des petites bandes de cire pour la moustache, que je fesais 1 fois par semaine (idem pour les jambes et le maillot).
    Pendant la grossesse, c’était génial: pas une seule fois j’ai du épiler la moustache! et les jambes, c’était qu’une fois par mois. Depuis l’accouchement, les jambes, c’est toutes les 3 semaines et la moustache tous les 10 jours (il y a du mieux!!)
    Et j’ose espérer un bb2 couette. J’ai repris dudu pour 6 mois, j’espère que ça va m’aider!
    Je pense comme toi, qu’on a droit au diagnostic précoce!

    1. Une « consœur de syndrome » ! 😉
      Je n’ai pas de sœur, mais il est fort probable que ma mère soit OPK aussi, même si elle n’a jamais été diagnostiquée, elle a beaucoup de symptômes visibles.
      Félicitations pour votre fils ! 🙂
      Cloclo n’a servi à rien du tout pour moi, je suis résistante à ce traitement. Gonal par contre quelle belle réponse niveau fofo et ovu ! 🙂 Du coup pas de drilling car pas nécessaire pour me faire ovuler, c’est déjà ça lol.
      Je suis heureuse de lire que la pilosité s’est améliorée chez vous pendant et suite à la grossesse, peut-être puis-je espérer la même chose le moment venu ? Si seulement…
      Je croise les doigts pour un bébé couette pour vous. 🙂

    1. Merci de votre message Titine7831. 🙂
      IAC prévue a priori d’ici une dizaine de jours, on croise les doigts. ^^

  3. Merci beaucoup pour ce témoignage qui n’a pas dû être évident. Et tellement oui à un vrai diagnostic des OPK, endometrioses et (je me souviens aussi pourquoi je suis là) des chryptorchidies.

    1. Je vous en prie miliette. 🙂
      Effectivement j’en ai parlé avec mon mari, c’est une sorte de « coming out d’infertilité » : pas évident mais bénéfique à la fois je trouve.
      Je suis allée voir ce que sont les chryptorchidies… 🙁 J’espère que votre parcours avancera, et en bon.
      On ne parle pas souvent des hommes dans les soucis d’infertilité, c’est pour cela que j’ai tenu à les citer, ces grands oubliés, même si nous ne sommes pas concernés directement mon mari et moi.

  4. Merci pour ce partage… pour reprendre les mots de flhope, difficile de lire ce récit sans être émue. J’espère que vous arriverez le plus vite possible à avoir votre bébé. Le plus tôt serait le mieux après l’enfer vécu pendant ton adolescence (me suis permis de te tutoyer, j’espère que tu ne m’en voudras pas).

    1. Aucun souci pour le tutoiement. 😉
      A chaque âge son combat, on va dire ça… ^^
      Si ça ne pouvait pas trop tarder ce serait chouette, surtout au vu de nos âges, du fait que c’est notre premier que nous espérons avoir et que nous aimerions avoir deux et même trois enfants si possible…

  5. Merci pour ce partage. Je suis aussi OPK et avec les memes problemes. J’etais diagnostiquee tard: a 30 ans en cosultation d’un gyneco expert en infertilite’. Jusqu’a la les gynecos par rapport a mes problemes de manque de regles (je les ai 1 fois par an dans les bonnes annes) m’avait seulement dit « c’est comme ca, on peut rien y faire ». On m’a juste donne’ du duphaston et pillules pour avoir ou regulariser mes regles. Puis j’ai commence’ la PMA avec du clomid, IUI et enfin 4 FIVs. La derniere a marche’ et je vois ca encore comme un myracle, car pendant des annees j’ai vraiment cru que mon corps n’arriverait pas. Je suis contente de m’etre trompe’. J’ espere que le IUI marchera’ pour vous!

    1. Merci de votre message. 🙂
      C’est triste de ne pas être tombée sur de bons gynécos plus tôt… 🙁
      Mais je suis heureuse que votre miracle soit arrivé ! Comme quoi notre corps peut aussi nous réserver de bonnes surprises… Il faudrait juste qu’elles arrivent plus souvent et plus vite. 😉

  6. merci pour ce partage… et quelque part je me reconnais dans ce témoignage, moi aussi, j’ai fait du laser pour l’hyperpilosité au visage ! ! Une bonne chose pour moi !

  7. Bonsoir Edhelwen…. Quel témoignage émouvant… Dans lequel j’ai senti « du vécu  »
    J’ai 40 ans., j’ai eu les règles très tôt aussi a 12 ans.. Mais très vite, des cycles irréguliers, voir très très irréguliers…3 x fois par an… 1 x par an… Tout dépend, je ne peux jamais le savoir..
    On m’a mise a mes 17 ans sous pilule, minulette, il m arrivait de n avoir aucun cycle..
    Je grandis sans trop faire attention a ce « petit détail ».. Je dirais même que cela m’arrange a cet âge.. De plus que minulette m aide du côté pilosité …
    Et puis un jour vers les 22 ans , je me pose des questions et me dis qu’il serait bien de régler ce détail.. Et après un jour cela sera peut être problématique non ? Pour avoir un enfant ? Comment cela se passe t il? Je vois des tas d endocrinologues, de gynécologues.. J’ai pris des hormones, des patchs, du gel… De l’androcur ! (Le meilleur ami des OPK) aucuns toubibs n’avaient le même discours… Difficile de s y retrouver dans tous les discours….et entendre a tout va.. » Ce n’est rien en temps voulu vous ferez une électro-stimulation des ovaires le moment venu » Tous avaient des discours rassurant.. Et puis un jour , j ai tout laisser tomber.. Entre temps on m’avait donner quelques temps avant du diane 35 aussi… Je le suis dit « mon corps fonctionnera comme il a envie de fonctionner… Et puis au moment voulu je ferais une électro-stimulation des ovaires, rien de transcendant… »
    Rien de transcendant non… C est sur… Aujourd’hui a 40 .. J ai un goût amer de tout ça..de cette façon trop simpliste de la prise en charge des jeunes filles… Des jeunes femmes..
    J’ai une pince a épilée dans chaque pièce de la maison, dans mon sac a main.. C est devenu un toc !!!
    Je crois que l’on reconnaît une copine OPk Grâce a sa pince a épilée !!! 🙂
    Pendant mon parcours PMA, duphasthon, lutheran n’a jamais fonctionner sur moi.. Cela a tjs été une galère pour commencer un protocole !!! Donc prise d’une pilule une diane

    1. Quel témoignage touchant et poignant que le vôtre…
      Je suis d’accord qu’il y a un manque d’info et aussi de diplomatie / tact dans la prise en charge des OPK. Et portant nous sommes relativement nombreuses à être concernées… Hélas ! 🙁
      J’espère que cela changera un jour, je ne souhaite à personne de vivre ces périodes où l’on se sent « monstre » et « anomalie de la Nature »…

  8. J’aurai pu écrire mot pour mot ce témoignage! réglée à 11 ans et demi, j’avais un vague souvenir d’avoir été emmenée à l’hôpital à l’époque avec échographie à la clé mais je ne savais pas pourquoi!jusqu’à ce que je sois en essai bb1 depuis mai 2013 aussi et qu’on me diagnostique sopk, c’est comme si la lumière avait été faite sur ce mystère poilu etc! pour moi le clomid n’a pas fonctionné, j’ai fait une réaction allergique et un kyste de presque 9 cm!on m’a remis sous pillule pour le faire partir (dur à avaler après 14 mois en arrêt pillule) puis fait un essai au menopur qui n’a pas marché et avec de nouveau un kyste de 6cm. J’ai depuis changé de pma car le suivi émotionnel et du reste laissait vraiment à désirer. Dans ma nouvelle pma, le gynéco m’a de suite proposé le drilling ovarien que j’ai fait en décembre dernier. Je croise les doigts pour que ça marche car je suis un peu traumatisée des stimulations de la 1ère PMA … même je me doute qu’avec mon bol, ce sera un passage obligé!j’y retourne début mars.
    Merci pour ton témoignage!et bonne chance!

    1. Merci à toi pour ton message etoile84.
      Effectivement ça en fait des points communs ! 😉
      🙁 pour la réaction allergique et les kystes. J’ai une petite tendance à en avoir aussi (des kystes) après stim par gonal-f, pas aussi impressionnants que les tiens cependant.
      J’espère que tout va bien fonctionner pour toi, et que le suivi sera meilleur à tous points de vue.
      Verdict pour moi suite à ma 1e IAC d’ici quelques jours… :p

    1. Bonjour Adieutartiflette !
      Pardon de ne répondre que maintenant, je n’ai pas été notifiée de ton commentaire…
      Courage à toi ! Et si cela peut te rassurer, ainsi que d’autres femmes, ma 1e IAC a été la bonne : notre petite fille aura 4 mois demain. 🙂

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