S.S.I. table ronde du 19 MAI 2015 : L’AMP AU QUOTIDIEN

Les mois de mai et de juin sont très chargés en termes d’actions mises en place par l’association COLLECTIF BAMP ou actions auxquelles nous participons en collaboration avec le CHU de Caen notamment. C’est donc avec beaucoup de retard que nous vous apportons les comptes rendus des tables rondes qui ont eu lieu pendant la Semaine de Sensibilisation sur l’Infertilité.
Teléphone 2015 806
Nous commençons par celle de Mardi (lundi viendra après) dont le thème était l’AMP au Quotidien.
Pour rappel la particularité de nos tables-ronde, c’est qu’elles regroupaient patients (une adhérente de l’association collectif BAMP animait la présentation du thème et les interventions des autres invités) / Médecins / chercheurs. Ce principe est très important pour BAMP, car il permet de placer le patient au coeur du dispositif de soin, au cœur de la réflexion aussi.
Je profite de ce premier article pour remercier chaleureusement les trois adhérents qui ont présentés et animés avec beaucoup de rigueur et d’intelligence les trois tables rondes.
Intervenants :

Anne Mortureux, psychologue clinicienne « le temps en AMP »
Lucile Hertzog, sociologue, « articulation entre soins AMP et travail »
Docteur Denoual Ziad, service de la médecine de la reproduction au CHU de Caen « quel examen et pour qui ? »
Ajisai  adhérente BAMP, modératrice de cette table ronde sur l’amp au quotidien.
Le temps en AMP – Anne Mortureux
Le temps est une notion importante pour les couples en parcours d’Aide Médicale à la Procréation : il y a le temps de la PMA et le temps pour la PMA.
1- Le couple
Une petite parenthèse sur la notion du couple, à mettre en parallèle avec la PMA. Pour qu’il y ait couple, il faut :
– Du temps
– Un projet
– Une reconnaissance mutuelle
– Une estime réciproque
– Un rêve
– Une intimité exclusive
Le couple se constitue à travers différents temps :
La rencontre La dépendance
La passion
La crise l’indépendance
Le vivre ensemble L’interdépendance
2 – Le temps
Le temps est une notion difficile à définir, elle l’est par la chronologie, un avant, un après, une cause une conséquence. Saint Augustin disait que tout le monde croit savoir ce qu’est le temps, mais dès que l’on demande de le définir, personne ne sait plus.
La durée, elle se définit à partir du moment où il y a une horloge. Mais les trois minutes d’attente de son chéri sur le quai de la gare n’ont pas la même intensité que les 3 minutes du brossage de dents. Une heure de repos n’est pas égale à une heure de travail, une heure de joie à une heure de peine et une heure de plaisir à une heure de souffrance. Henri Bergson nous donne l’exemple du sucre qui fond dans un verre,
Car le temps que j’ai à attendre n’est plus ce temps mathématique qui s’appliquerait aussi bien le long de l’histoire entière du monde matériel, lors même qu’elle serait étalée tout d’un coup dans l’espace. Il coïncide avec mon impatience, c’est-à-dire avec une certaine portion de ma durée à moi. Le temps est lié aussi à notre culture.
3 – Les différents temps de la PMA
a) Le temps de l’attente
Division entre sexualité et procréation
Temps de la jalousie de ceux qui ont des enfants
Temps de l’isolement
Temps du doute
Parfois les couples en reste là car ils ont trop peur de la confirmation de la stérilité.
b) Le temps de l’investigation
C’est une période longue et anxiogène. Beaucoup de couples n’y sont pas préparés, ce qui créé des traumas, du déni, de la sidération, du refus, des recherches désespérées des causes.
Le temps du deuil, mais le deuil de quoi ?
c) Le temps de l’engagement
L’espoir s’installe car on sait ce qu’on a.
On nous dit de lâcher prise et en même temps de suivre le traitement de façon méticuleuse : c’est paradoxale.
Les relations sexuelles, ça sert à quoi ?
L’image des montagnes russes représente bien ces temps entre espoir et désespoir. Le taux de dépression en PMA est le même que pour l’annonce des maladies mortelles. Ce qui est particulier en PMA, c’est qu’on va faire souffrir l’autre.
d) Le temps de la répétition
La répétition des traitements est vécue comme une agression. La première cause (60%) d’abandon des traitements est une cause émotionnelle : « je n’en peux plus ».
Sortie de l’AMP sans enfant, il faut laisser du temps, faire le deuil…Le sentiment de culpabilité est très fort et les dépressions courantes.
Sortie de l’AMP avec une grossesse est source d’anxiété. Après tout ce temps passé et cette énergie concentrée vers un seul objectif, il faut se reconstruire. Le risque de grossesse multiple accentue l’inquiétude.
e) Quelques questions en guise de conclusion
Quel impact ce parcours sur la manière de devenir parent ?
Est-ce que l’enfant va permettre de s’inscrire dans la vie ?
Est-ce que le temps médical est celui du couple ?
Le temps devient-il un pouvoir ?
II – Articulation entre soins AMP et travail
Ce sujet fait l’objet de ma thèse à partir d’une étude menée dans les CHU de Caen, d’Angers, de Cherbourg et de services spécialisés à Paris. Les patients étaient tous volontaires pour participer.
Les enquêtes ont été réalisées dans les salles d’attente où il était frappant d’observer le désir des femmes de passer en premier pour pouvoir aller travailler ensuite.
Les salles d’attente sont occupées par des femmes, très peu d’hommes.
33 entretiens ont été réalisés.
Etre absent de son lieu de travail par un arrêt maladie peut être problématique mais il ne viendrait à aucun employeur de contester cette absence. En parcours AMP, les femmes ne sont pas malades mais elles doivent s’absenter régulièrement pour des examens médicaux. Comment justifier ces absences pas toujours prévues à l’avance ?
Certaines font le choix de le dire à leur employeur (50%) mais elles s’exposent car c’est parler de l’intimité, du désir d’un couple, des difficultés d’avoir un enfant. Elles se dévoilent quand elles ont de la sympathie envers leur employeur. En majorité, elles sont employées. Deux de ces femmes ont perdu leur emploi après cette révélation, elles n’ont pas fait appel au syndicat pour se défendre, c’était s’exposer à nouveau.
Les autres 50% décident de garder le secret, elles sont dans des emplois vulnérables ou cadres supérieures où il est difficile de dire que la priorité n’est pas le travail.
En Autriche, une femme a été licenciée pour cette raison. Elle n’a pas gagné devant les tribunaux de son pays mais elle a eu raison devant la cour européenne en vertu de l’égalité de traitement entre homme et femme.
Même en cas d’infertilité masculine, c’est la femme qui subit les traitements et les absences au travail. Faut-il demander à la sécurité sociale de prendre en charge ses absences par des arrêts maladie ? Pour les autres examens (prises de sang, radio, scanner… pas d’arrêt maladie) ou prévoir dans la législation du travail des absences autorisées pour les femmes désirant avoir un enfant inscrite dans un parcours PMA ?

Commentaires à propos de cet article (4) :

  1. Encore merci et bravo pour cette SSI, vous avez fait un super boulot !
    Quand je lis ce CR, je suis vraiment choquée de lire que des femmes ont été licenciées pour avoir été honnêtes avec leur employeur. Il faut vraiment que l’on fasse bouger les choses d’un point de vue juridique afin d’etre protégées par la loi. Vous pensez qu’il faut s’adresser à qui ? Au ministère de la santé, du travail, de la justice ? Je veux bien bosser sur une lettre à leur envoyer et réfléchir à des actions possibles pour essayer de faire bouger les choses. C’est inacceptable , d’autant plus que s’il y a une grossesse à la clé, nous serrons à nouveau discriminées dans notre carrière, c’est la double peine!

    1. Cela fait plus d’un an et demi, que le bureau BAMP travaille sur une proposition de loi permettant de protéger les salariés-es en parcours d’AMP.
      Déjà en 2014 lors des rendez-vous avec les députés et sénateurs que nous avons rencontré, nous leur parlions de cette loi que nous souhaitons voir mise en œuvre.
      Notre proposition de loi est prête, les mails sont partis cette semaine pour tous les députés et sénateurs, ainsi qu’aux ministres concernés. Il va falloir faire de même par courrier (donc si tu as du temps pour rédiger un courrier d’accompagnement, il sera le bienvenu). Il va aussi falloir prendre des RDV pour causer les yeux dans les yeux avec nos députés et sénateurs de cette attente juridique que l’association COLLECTIF BAMP porte, pour une protection des couples salariés en parcours d’AMP.

  2. Merci pour ce compte-rendu très intéressant. C’est vrai que ces licenciements sont extrêmement choquants. C’est une très bonne idée d’écrire une lettre pour dénoncer ce type de pratiques…
    PS: il manque la fin de la phrase / du paragraphe à la fin de l’article…

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