SSI2016 – Les passants et les rencontres

La semaine dans le hall de l’hôpital de Caen, les passants et les rencontres

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Un puit de lumière sur un plafond très haut nous indique le temps qu’il fait, nuages, pluie et soleil alternent. Dehors, il fait froid, la chaleur du hall est douce. Le bruit des béquilles et les patients en pyjama nous rappellent que nous sommes dans un hôpital.
 
Chaque jour commence par un échauffement : les lourdes tables à déplier, les caisses à déplacer, les panneaux à installer… Taches partagées avec nos collègues de l’association EndoFrance qui seront avec nous toute la semaine.
 
Nos panneaux garnis de photos, de poèmes, de textes expliquant les polluants nuisibles pour la fertilité, le don de gamètes, l’endométriose s’étendent devant un œuf énorme (l’amphithéâtre de l’hôpital). Des tables recouvertes de dépliants, de livres, de surprises attirent les yeux comme Ken et Barbie enfermés dans une bulle de seringues et de progestérone, des spermatozoïdes géants, des assiettes de bonbons. Nous sommes installés devant les ascenseurs qui mènent au service de maternité et de PMA, ce qui explique le nombre de femmes enceintes et d’enfants en bas âge à peine à la hauteur des tables « ici, c’est pour les bébés » dit une petite fille en passant. Le décor est posé.
 
Les passants circulent entre les panneaux, mangent leurs sandwichs en regardant l’exposition, lisent les textes et les résumés des livres, prennent des photos, posent une question, piquent des bonbons, nos collègues d’EndoFrance imposent gentiment un bonbon = un tract.
 
Comme la vente de langoustines sur les marchés bretons, les visites au stand c’est « le tout-venant » : Il y a ceux qui passent et ceux qui restent, je devrais dire celles car la majorité sont des femmes. Nous avons néanmoins rencontrés des donneurs, anciens donneurs de sperme, futurs donneurs. Des hommes qui s’interrogent sur cette démarche.
 
Il y a ceux et celles qui passent….
 
Certaines font des détours avant de s’arrêter et prendre quelques prospectus, d’autres s’avancent directement, « je suis venue chercher des renseignements pour ma fille », « je commence le parcours AMP en septembre », « nous avons eu un enfant par FIV, nous voudrions donner nos gamètes », « mon mari va faire une vasectomie, peut-il faire un don ce jour là ? ».
 
Il y a ceux qui viennent pour leur copine, leur sœur, leur voisin… Chacun semble connaitre quelqu’un touché par l’infertilité.
 
Il y a celles qui nous découvrent par hasard « c’est mon premier RDV AMP, je ne savais pas que vous existiez ».
 
Il y a celles qui ont vu l’article dans le journal et découvre en vrai la star de BAMP : Virginie  «Mais c’est vous la photo dans le journal ? ».
 
Il y a celles qui profitent de notre présence pour expliquer à leur enfant « comment on fait des bébés », et nous de rajouter que ça ne marche pas à tous les coups…
Une jeune fille qui vient à l’hôpital pour un examen médical est ravie de nous rencontrer, elle présente un exposé vendredi sur l’AMP dans sa classe de 4ème, elle repart avec pleins de renseignements et documents.
 
Il y a celles qui viennent en famille, comme ces deux sœurs et leur maman. La plus jeune doit commencer un traitement en vue d’une insémination, la première tentative a été annulée pour cause de congé du centre. Sa sœur, elle « qui ne voulait pas d’enfant, à cause de son diabète» a une petite fille et attend avec joie et impatience sa très prochaine ligature des trompes. Car elle ne veut surtout pas retomber enceinte. Et leur maman au milieu disant « la vie est quand même mal faite. Elle ne veut pas d’enfant, elle en a mais c’est dangereux pour sa santé et l’autre qui en veut tant n’y arrive pas».
 
Des médecins en blouse blanche passent nous voir, certains qui nous connaissent et d’autres nous découvrent et nous laisse leurs coordonnées.
 
Cet homme vient nous parler de sa sœur qui n’a pas d’enfant,  « je pense qu’elle n’a pas de relations sexuelles, que mon beau-frère est impuissant, vous faites quelque chose pour l’impuissance ? »
 
Il y a ceux qui vont plus loin comme cette mamie avec ses petits-enfants « Je ne comprends pas pourquoi la France est si en retard, pourquoi les couples homosexuels ne peuvent adopter, avoir des enfants ».
 
Et il y celles qui restent….
 Cette femme raconte son long périple de traitements, de fatigue, de découragement…. Rien n’a marché et le temps passe…. Mais ici, elle prend son temps, elle s’assoit avec nous et raconte son désir d’avoir un enfant et la douleur des échecs.
 
Il y a celles qui restent, une heure, deux heures, trois heures…. Qui nous livre des morceaux de leur vie « quand et comment décider d’arrêter les tentatives ? », « je m’interroge que le don », « cet enfant sera-t-il vraiment le mien ? ».
 
Dans l’anonymat d’un hall, comme un hall de gare, il est question de sperme, d’ovocytes, de sexualité, de souffrances, de peurs, d’intimité… Des mots échangés, des sourires et des larmes, les mouchoirs seraient plus utiles que les bonbons.
 
Pendant cette semaine, tout est tranquille, personne ne surgit pour nous brandir sa haine de l’AMP. A peine un vieux monsieur qui posément vient nous dire « il faut laisser faire la nature » ou cette femme toute ridée qui nous lance « j’étais infertile, j’ai eu un enfant et c’est le plus grand malheur de ma vie, pour lui et pour moi », nous n’en sauront pas plus, elle part rapidement…. Nous laissant avec nos questions.
 
L’accueil de cette seconde édition de la semaine de sensibilisation sur l’infertilité n’est pas contrasté, la bienveillance et les encouragements sont de mises.
 
Entre deux visites au stand, je lis un article d’Emmanuel Carrère paru dans la revue XXI, sur Calais, là aussi il y a ceux qui passent et ceux qui restent… Des histoires de vie, des parcours de vie, des souffrances, des espoirs. Il est question d’accueil et de solidarité, ici comme là-bas.
 
Véronique.
 
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Commentaires à propos de cet article (10) :

  1. Merci de partager tout ça avec nous, c’est très touchant ces rencontres, ces échanges… Et bravo pour votre implication & engagement !! 🙂

  2. C’est un très beau texte, Véronique.
    Une belle « trace » de ces quelques jours passés dans le hall du FEH.

  3. beau texte …. qui me fait monter le sourire et aussi les larmes au yeux… malgré un parcours pma qui nous a apporté 2 beaux enfants … je reste toujours sensible quand il s’agit de pma ! bravo à vous

  4. Magnifique texte, très émouvant par sa pudeur, s sa simplicité et sa justesse. Merci Véronique et merci à BAMP de se mobiliser toujours autant pour qu’on ai droit à la parole

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