Don d’ovocytes et nullipare : mission accomplie et dommages collatéraux

Nous poursuivons la suite du témoignage d’E. donneuse d’ovocyte sans enfant. Vous pouvez retrouver le début de son témoignage ICI, mais également l’interview à laquelle elle avait répondu pour BAMP ICI. Merci à elle de se livrer ainsi, pour permettre de faire entendre les voix des femmes qui font don de leur gamètes, sans avoir elle-même d’enfant.

Je sais, je n’ai pas donné de nouvelles depuis fort longtemps.  En même temps, je ne savais pas moi même si j’allais revenir ici. Il me fallait d’abord revenir à moi. Et j’en reviens à peine je dois dire.

Alors, comme je ne fais jamais les choses dans l’ordre, je vous écris avant de partir (enfin!) en vacances. Et je crois que cela me fera du bien, j’espère.

J’essaie de faire bref car il est tard et peut-être aurais-je d’autres occasion pour m’attarder plus en détail sur tout ça.

Il y a quelques mois, j’avais évoqué ici même mon souhait de faire un don d’ovocytes, seulement, ma qualité de nullipare (je préfère le terme NoChild mais peu importe) n’a pas rendu les choses faciles, c’est le moins que l’on puisse dire. Il m’aura fallu attendre, patienter, avancer malgré tout, œuvrer en sommes.

A l’heure où j’écris, nous sommes le 4 octobre 2016 et cela fait bientôt 1 an que le décret autorisant les femmes et hommes nullipares à donner leur gamète est inscrit au Journal Officiel.

Depuis, de l’eau, beaucoup d’eau est passé sous les ponts. Et j’en ai charrié des vagues.

Mais je suis là, petite mais bien là et j’ai passé les épreuves les unes après les autres. A un moment même, il s’en est fallu de peu, je me suis sentie tout d’un coup sur un fil extrêmement fin, le processus pouvant se rompre à tout  moment mais on y est arrivé, j’y suis arrivée. J’ai fait mon don d’ovocytes il y a maintenant quelques mois, c’était en avril dernier et je ne regrette rien.

Cependant, après avoir fait les analyses préalables pour réaliser le don, j’apprenais que mon AMH avait perdu plusieurs dixièmes en l’espace de 9 mois. je commençais alors à m’inquiéter de ma propre fertilité, non pas tant pour effectuer le don mais pour mon avenir à moi… Je restais cependant confiante et les choses avançaient mais une étoile noire et indélébile venait de se loger dans le fond de mon crâne et je ne pouvais plus rien y faire.

Et donc, malgré tout ce travail et la soumission à une discipline stricte, c’est à dire, à l’auto-administration, chez moi, seule et vaillante d’injections quotidiennes d’hormones à heure fixe (et à hautes doses vu mes analyses plus que moyennes) , le résultat ne fût pas à la hauteur. A la hauteur de qui, de quoi, je ne saurais dire,  sans doute celle de la pression que l’on se mets obstinément sur nos épaules de femmes.

Toujours est-il que même si le décret d’application et l’arrêté ministériel qui l’a suivi en décembre 2015  m’autorisait à garder des ovocytes pour moi, malheureusement (?), je n’ai pas pu, mon corps n’avais pas assez produit de « matériel valide » pour que je puisse bénéficier de ce… bonus. Les textes précisant qu’il faut au moins 6 ovocytes matures pour pouvoir en garder 1 pour nous-même. J’étais loin du compte.

Je comprenais alors pourquoi je n’avais pas souffert plus que cela après la ponction et pourquoi je me sentais même plutôt en forme malgré les effets de l’anesthésie générale.

Sentiment étrange oscillant entre la grande satisfaction de la mission accomplie et l’immense déception de n’avoir produit « que ça » ou si peu.

Et donc, le ventre vide. Si vide. Trop vide désormais, j’avais peur. J’avais peur de ne jamais être capable de faire un enfant. Une peur infondée diront certains, les mêmes qui vous rabâchent qu’IL NE FAUT PAS S’INQUIÉTER, mais la peur qui monte et vous dévore quand on vous dis qu' »IL NE FAUDRAIT PAS TROP TARDER » aux vues des résultats précédemment résumés…

Alors que FALLAIT-IL FAIRE ?

Voilà pourquoi il m’aura fallu du temps pour remonter à la surface, du temps, des larmes, une joie intérieur et de l’abnégation (mais jamais le sentiment d’un sacrifice quel qu’il soit).

Et aussi connaitre au plus profond de mon corps cette chose à laquelle je ne m’attendais pas du tout: l’hyperstimulation ovarienne dont je viens à peine de me remettre.

Je sors donc d’une semaine de convalescence: épuisée, repos forcé, rideaux tirés, « sur le carreau », quasiment clouée au lit avec le ventre gonflé à ne pas me reconnaitre et piqué aux anticoagulants, je ne souhaite cela à aucune femme. Mais j’ai pris cette responsabilité.

Fertile, infertile, hyperfertile… Je ne sais plus. Et je ne veux pas savoir. Je crois que désormais, j’en sais assez, la boite de Pandore reste ouverte cependant et il faudra faire avec.

Être donneuse d’ovocytes et sans enfant n’est pas sans risques et des questions persistent dans mon esprit décidément curieux, même si je sais où sont mes limites.

Mais j’y reviendrais sans doute un peu plus tard car il y a tellement à dire…

Merci à E. de partager avec nous, son parcours, ses interrogations autour de la fertilité, l’infertilité, le don d’ovocytes. De s’interroger sur la place des femmes, leur corps, leur choix et sur la prise en charge médicale, sociale des donneuses.

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