Nos politiques et l’infertilité – suite

Comme convenu, nous revoici, à J-5 avant le 1er tour de l’élection présidentielle, pour vous faire un petit debrief de nos échanges avec les candidats.
Les 11 prétendants encore en lice ont fini par nous répondre. Yeah !
Ils ont tous pris conscience de l’importance du problème et valident l’ensemble des propositions de BAMP. Grande campagne d’information nationale dès l’automne, révision par ordonnances des lois de bioéthique pour aller plus vite, généralisation du DPI… Certains ont même proposé de créer un grand Ministère de la Fertilité !
Euh… En fait, non, on blague (il paraît qu’il faut savoir rire de tout).
LOL
Malheureusement, pas de grand changement par rapport à notre dernier billet sur le sujet. Nous avons reçu une réponse relativement détaillée de François Fillon, que l’on vous livre in extenso, comme celle de Nicolas Dupont-Aignan la dernière fois, pour vous laisser vous faire votre propre opinion.
Du côté des autres, c’est le silence radio. Nous, on pensait bêtement qu’on aurait une réponse, au moins une, de la part d’un des candidats de gauche, en général les plus progressistes et les plus sensibles, également, aux questions environnementales.  Jean-Luc Mélenchon a répondu à CLARA qui a également adressé un questionnaire aux candidats. Mais rien du côté de chez nous…
On leur adresse ce jour la relance de la dernière chance. Autant vous dire que l’on n’y croit plus trop…
Bonne fin de journée à tou(te)s !

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Réponses de François Fillon sur la prévention de l’infertilité / la stérilité au Collectif BAMP (les réponses sont en rouge)

1-L’infertilité est en hausse continue depuis plusieurs décennies. En France, un couple sur six consulte pour un problème lié à l’infertilité et 3,1% des enfants sont nés en 2014 grâce à l’aide de la médecine procréative.
L’infertilité est ainsi une question médicale majeure qui concerne le devenir de notre société.
Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour enrayer cette hausse et quels seront les moyens associés ? En particulier, entendez-vous mettre en place une véritable politique publique en la matière, au travers notamment d’un « Plan infertilité » faisant intervenir de manière coordonnée les Ministères concernés (santé, environnement, etc.) ?
Je partage votre préoccupation sur la question de l’infertilité que je considère comme un enjeu de santé publique. L’approche que vous proposez qui vise à la mise en synergie des différentes politiques publiques pour répondre à la hausse de l’infertilité me semble vraiment la bonne au regard des causes multifactorielles de cette problématique. Je veillerai à la bonne coordination et au renforcement de l’action publique en la matière.
2- De nombreuses études scientifiques ont établi l’impact des pollutions sur la fertilité (pesticides, engrais, tabac, cannabis, …) ou estiment que cet impact est fortement probable (perturbateurs endocriniens, produits ménagers, cosmétiques).
Quelles mesures prendrez-vous pour prévenir ces effets délétères ? Entendez-vous prendre des mesures contraignantes afin d’interdire les substances les plus nocives et / ou mieux informer le grand public au travers par exemple de la mise en place d’un étiquetage adapté des produits ?
Le vecteur de l’innovation doit pouvoir être mobilisé pour permettre de mieux comprendre et mieux répondre aux enjeux majeurs de la santé environnementale. Je crois au Progrès, je veux ramener notre pays sur le chemin de la croissance. Mais ce développement doit être durable et nous devons en mesurer toutes les conséquences sur notre environnement pour prévenir les risques qui pourraient émerger pour notre santé. J’ai déjà démontré ma capacité à agir en la matière et je suis prêt à le faire à nouveau. Pour identifier ces risques, les prévenir mais aussi éviter d’y surréagir, la meilleure méthode est pour moi celle de la confiance dans le dialogue citoyen avec les patients, leurs représentants et les professionnels. Je renforcerai donc le Plan Santé / Environnement dont je garantirai la continuité et je veillerai à ce qu’un volet dédié soit consacré à l’impact des pollutions sur la fertilité.
3- L’infertilité, bien que concernant un grand nombre de personnes, reste aujourd’hui un tabou dans notre société.
Envisagez-vous de mettre en place une politique d’information et de prévention sur ce sujet, avec des campagnes ciblées en fonction des publics et notamment des jeunes ?
Vous avez tout à fait raison. Nous devons résolument avancer en ce sens. C’est pourquoi, je propose une vraie « révolution de la prévention » qui intégrera notamment l’engagement d’un grand Plan santé à l’école. La question de l’infertilité devra avoir toute sa place dans ces démarches.
4- Les femmes souffrent d’une inégalité biologique par rapport aux hommes en matière de fertilité puisque la qualité de leurs gamètes se détériore plus rapidement, notamment à partir de 30 ans. Compte tenu des évolutions de notre société (études plus longues et donc âge plus avancé lors de la stabilisation des revenus, constitution plus tardive de couples désireux de fonder une famille, conciliation avec un début de carrière professionnelle), l’âge de la conception du premier enfant recule.
Dans ce contexte, envisagez-vous une évolution du cadre législatif afin de permettre l’autoconservation des gamètes hors contexte médical, dans le but de préserver la fertilité pour l’avenir ?
J’ai déjà montré ma capacité à avancer sur les questions bioéthiques avec, par exemple, le soutien apporté à l’initiative qu’avait prise Valérie BOYER pour voir reconnue la vitrification ovocytaire pour une indication médicale dans le cadre de la loi de bioéthique adoptée alors que j’étais Premier ministre. La question posée de l’autoconservation nécessite un débat que le Comité Consultatif National d’Ethique, les Espaces de Réflexion Ethique Régionaux et les travaux de révision des lois de bioéthique prévue en 2018 devraient éclairer. Retenons néanmoins comme un impératif que quelle que soit son issue, la priorité de notre société doit être de faciliter la maternité des jeunes femmes et d’augmenter les possibilités de garde des jeunes enfants.  
Sur l’amélioration de l’AMP et de ses résultats ainsi que de la recherche
5- Malgré la hausse des couples ayant recours à l’AMP, aujourd’hui deux FIV sur trois sont des échecs. Le diagnostic des pathologies sous-jacentes n’est pas toujours pertinent et en conséquence, les protocoles proposés ne sont pas forcément les plus adaptés. Certains examens / techniques innovant(e)s permettent d’améliorer le succès des tentatives d’AMP mais ne sont aujourd’hui pas pleinement reconnus (MatriceLab, Win Test, Endocell) et sont donc pratiqués en France sans être remboursés par la sécurité sociale.
Quelles mesures envisagez-vous d’adopter afin d’améliorer les résultats des tentatives d’AMP et notamment des FIV ?
En particulier :
entendez-vous mettre en place un bilan médical standardisé complet préalable à toute tentative d’AMP (incluant les aspects génétiques et immunitaires) afin de permettre un diagnostic fiable ?
envisagez-vous de développer les examens et techniques innovants permettant une meilleure adaptation des protocoles aux patients et de les inclure dans les grilles de remboursement de la sécurité sociale ?
Je souhaite relancer l’effort d’innovation de manière globale au sein de notre système de santé. La politique conduite depuis 2012 n’a cessé de renforcer les obstacles et blocages administratifs au déploiement de l’innovation en santé. Je veux changer radicalement d’approche et cette levée des rigidités devra aussi concerner le champ de l’AMP. C’est précisément pour permettre une meilleure prise en compte de l’innovation par la Sécurité sociale que j’ai été le seul candidat à proposer les réformes structurelles suffisantes pour dégager les capacités financières nécessaires permettant d’y parvenir.
6-Le diagnostic préimplantatoire, c’est-à-dire la sélection des embryons viables, est aujourd’hui limité en France (contrairement à de nombreux pays européens) aux cas où la présence d’une anomalie génétique est démontrée chez un des parents. Or, plus de 60% des embryons transférés dans le cadre d’une FIV ne sont pas viables, ce qui entraîne des échecs répétés voire des interruptions médicales de grossesse.
Envisagez-vous d’étendre le DPI au-delà des cas où la présence d’une anomalie génétique est démontrée chez un des parents, dans le but d’améliorer les taux de succès des tentatives d’AMP ?
Le DPI a pour finalité d’éviter la transmission d’une anomalie génétique dont serait porteur l’un, voire les deux parents. L’appréciation de la viabilité d’un embryon par des techniques qui doivent être validées est une autre question, celle du taux de grossesses menées à terme. Une réflexion doit d’abord être menée sur ce point par l’Agence de la Biomédecine et le Conseil d’Etat afin d’examiner si une modification législative est nécessaire.
Encore une fois, je souhaite exprimer ma vigilance pour que nous puissions prendre le plus grand recul avant de recourir à l’instrument législatif sur ces questions essentielles.
7-Les patients en AMP ne sont pas, malgré l’affirmation du principe de démocratie sanitaire, au cœur du dispositif de soins / d’accompagnement qui leur est proposé. Les échanges avec les médecins ne sont pas toujours faciles, la dimension humaine est insuffisamment prise en compte et les patients ne sont pas nécessairement reconnus comme des interlocuteurs compétents. Au niveau associatif, les associations représentant les patients, telles que BAMP, sont insuffisamment encore associées aux réflexions menées sur l’AMP et ses évolutions.
Quelles mesures entendez-vous prendre afin que les patients en AMP soient pleinement reconnus comme acteurs de leur prise en charge médicale ?
Vous avez tout à fait raison : nous devons aller plus loin en faveur du déploiement d’une démocratie sanitaire effective. Nous devons accorder une place plus large aux patients et à leurs représentants dans la construction de l’avenir de notre système de santé. Et cet enjeu est bien entendu essentiel s’agissant des patients en AMP.
8-Les équipes des centres d’AMP font le constat de l’insuffisance de leurs moyens, financiers, humains ou en termes d’équipements. La recherche française autour des questions d’infertilité et d’AMP marque le pas par rapport à de nombreux autres pays, au plan européen ou plus largement.
Vous engagez-vous à améliorer les moyens des équipes d’AMP (dotations financières, matériel de pointe, numerus clausus en gynécologie médicale) ainsi que de la recherche sur l’infertilité et l’AMP ?
Vous engagez-vous à favoriser des actions de recherche indépendantes permettant d’approfondir la corrélation entre environnement/pollution/alimentation et hausse de l’infertilité ?
Nous devons effectivement dégager des marges de manœuvre nouvelles pour renforcer les équipes d’AMP et soutenir notre effort de recherche sur ce sujet essentiel. Encore une fois, c’est précisément le sens plus général de l’action que je porte pour faire réaliser des gains d’efficience à notre système de santé – en réduisant en particulier la bureaucratie et en améliorant son organisation – qui pourront être remobilisés sur l’essentiel, c’est-à-dire l’amélioration de la qualité de la prise en charge des patients et la relance de notre dynamique de recherche. 
Sur la lutte contre les discriminations
9-Les personnes infertiles ou stériles et les enfants nés grâce à une technique d’AMP peuvent subir des discriminations et préjugés liées aux idées reçues qui persistent et qui sont parfois diffusées volontairement.
Quelles mesures entendez-vous prendre afin de lutter contre les discriminations, tabous et préjugés dont sont victimes les personnes infertiles ou stériles et les enfants nés grâce à une technique d’AMP ?
Ces discriminations sont inacceptables et doivent donc être condamnées. Les mesures générales de prévention et de lutte contre les discriminations doivent être effectivement mobilisées sur ces questions essentielles. Je suis prêt à ouvrir le dialogue avec les acteurs concernés pour examiner si des mesures spécifiques doivent être, de surcroît, envisagées.

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