Un deuxième parcours de FIV après une première naissance : témoignage  

« Aujourd’hui avec derrière moi 5 années de parcours de FIV, j’ai une petite fille de deux ans. Je suis au milieu d’un nouveau parcours pour essayer d’agrandir la famille, et je souhaite partager mon expérience sur ce deuxième parcours de FIV au lendemain d’une deuxième ponction, à la veille d’un huitième transfert, et d’un onzième embryon transféré. 

Je souhaite partager mon expérience d’abord parce qu’un parcours de FIV c’est difficile et ça fait du bien de le lire, de l’entendre. Pendant toute cette période de ma vie, j’ai beaucoup recherché des témoignages d’un deuxième parcours, et j’en ai peu trouvé. J’aurais aimé lire plus de témoignages pour être rassurée par l’évidence de la difficulté de ce deuxième parcours, ce qui peut paraitre paradoxal quand on avait dit « juste un, et je serai comblée de bonheur ». Alors que finalement on replonge délibérément… 

Je veux aussi que ce long et fastidieux parcours que j’ai traversé, et que j’ai choisi d’entreprendre à nouveau, serve à d’autres. 

DANS UNE SECONDE FIV, LE PLUS DUR EST DERRIERE NOUS 

Vous me direz, pourquoi se lancer à nouveau dans une FIV quand on a eu la chance que ça ait pu marcher une première fois après un combat long et difficile ? Pourquoi replonger dans cet univers qui a été si douloureux avant de nous offrir une libération qu’on n’espérait plus ? Car oui, se lancer dans une nouvelle FIV remue forcément le passé. On repense à ce flux ininterrompu de questions qui hantaient nos nuits, nos moments d’inactivité : combien de temps avant d’envisager l’adoption ? Serai-je capable un jour de faire le deuil de cette maternité ? 

On se remémore cette vie au jour le jour dans laquelle on refusait toute projection à long terme. Et dans le même temps il y avait cette angoisse de ne pas savoir de quoi notre lendemain serait fait : une vie avec des enfants issus de ce parcours de FIV, ou une vie avec des enfants issus d’un don de sperme, ou une vie avec des enfants adoptés, ou encore une vie sans enfant… Même sans connaitre l’avenir, on avait décidé d’être heureux, de faire avec ce que nous avions et surtout avec ce que nous n’avions pas. On se disait qu’il fallait vivre différemment, envisager la vie autrement, pour ne pas subir cette vie qui s’impose à nous alors qu’elle est si différente de celle à laquelle on aspirait. Il y avait mille questions qui se posaient, et autant qu’on souhaitait ne plus se poser quand deux petits embryons étaient déposés. A ce moment précis, tout pouvait devenir possible et en même temps cela pouvait être le dernier acte avant une chute douloureuse : le paradoxe entre se projeter et se protéger. Cette torture permanente entre y croire, pour donner toutes leurs chances à ces petits embryons, commencer à les choyer, les aimer, s’abandonner au bonheur de cette vie future à portée de bras, ou alors ne surtout pas y croire, se raccrocher à des pensées rationnelles, se dire que finalement il y a statistiquement plus de chances que ce ne marche pas plutôt que ça fonctionne, pour se préparer à l’échec, rendre la descente aux enfers plus supportable parce qu’on s’est conditionnée et qu’on s’y est préparée. Le terme de « parcours du combattant » qui nous semblait assez abstrait prenait désormais tout son sens. 

L’unique remède est finalement d’arrêter de penser. Plus facile à dire qu’à faire, on n’est jamais loin d’une fuite en avant : ne jamais s’arrêter de travailler, de s’activer, de s’afférer, pour ne jamais penser à ce que serait notre vie si elle devait être sans enfant.  

Toute cette torture psychologique est derrière nous puisque la FIV nous a déjà offert un premier enfant. Et c’est pour ça qu’on aimerait se dire que cette deuxième FIV va être facile. On imagine que la FIV n’a plus de secret pour nous, qu’il s’agit juste d’un protocole médical et qu’il n’y a qu’à supporter la douleur des médicaments en se disant que finalement ce n’est pas très grave si ça ne marche pas : c’est somme toute assez banal de ne pas gagner deux fois de suite au loto… 

MAIS UN DEUXIEME PARCOURS DE FIV RESTE AVANT TOUT UN PARCOURS DE FIV 

Et pourtant un deuxième parcours de FIV reste un parcours de FIV avec ses lourdeurs de protocole, ses lourdeurs administratives et la douleur physique et psychologique qui va avec.  

C’est avant tout un parcours de FIV que l’on démarre avec l’envie inconditionnelle que ça marche. Cette envie, cette attente est bien présente à chaque transfert. Lorsque l’embryon ne s’accroche pas, la douleur est donc bien réelle. J’ai longtemps considéré que je n’avais pas le droit de me plaindre, de trouver ce deuxième parcours dur et compliqué et de vivre les échecs comme des échecs. Je me suis ainsi interdite de pleurer trop longtemps après un échec, comme si cette quête d’un deuxième enfant était un caprice. Pourtant un embryon qui ne s’accroche pas est une douleur émotionnelle bien réelle et universelle : elle touche toutes les femmes, confrontées à la stérilité ou non, dès qu’un embryon ne tient pas. Une fausse couche est une souffrance, qu’on ait un enfant, cinq enfants ou aucun. Si la douleur de la perte d’un embryon pour une femme qui ne peut pas avoir d’enfant est évidemment unique et incomparable, celle des autres femmes à qui cela arrive demeure bien réelle. 

L’enchainement des protocoles ne laisse pas le corps indemne. L’accumulation des piqûres rend chaque nouvelle piqûre plus douloureuse que la précédente, chaque nouvelle prise de sang moins insignifiante. Le corps connait parfaitement les douleurs du protocole, les piqûres, les bleus qui marquent le corps, l’ovitrelle à haute dose qui nous fait nous plier de douleurs, mais il est de plus en plus sensible et atteint ses limites : lui qui a tant subi, tant encaissé, commence à montrer ses limites. Chaque nouvelle piqûre est bien plus qu’une piqûre : c’est celle-là et toutes celles qui ont été faites avant. 

Cette deuxième fois, on est bien sûr plus endurcie, plus forte, plus résistante, mais on a aussi perdu la légèreté ou la naïveté des premières fois (notamment cette pensée magique qu’on avait en pensant que la FIV c’était difficile pour les autres et qu’on allait sûrement passer entre les mailles du filet, que « ça allait marcher », comme on a pu nous le dire de si nombreuses fois…. Cette méthode couée était entendable au début mais cela n’est plus vrai : on sait bien au plus profond de nous-même que personne ne sait, ni nous, ni les médecins, alors même qu’on parle d’une assistance médicale, donc scientifique…). On sait avant même de se lancer dans cette deuxième FIV à quel point ça va être long, fastidieux, compliqué. Et on sait surtout qu’on ne sait pas quelle sera l’issue. 

Mais cette deuxième série de FIV, elle est aussi difficile parce qu’on revit à chaque protocole le traumatisme de la première FIV alors même qu’elle est derrière nous et censée être terminée. Au final, ce parcours peut même sembler presque doublement plus difficile que le premier avec les souvenirs qu’il ravive : il nous fait revivre notre premier parcours, toute cette période où on ne savait pas si un jour on aurait la chance d’être maman, et comporte par ailleurs ses propres difficultés. On pense tout connaitre des protocoles, être en terrain connu, et pourtant il y a toujours cette situation inattendue, ajoutant la complexité à la difficulté, qu’on n’a pas rencontrée la première fois. 

ACCEPTER ET RECONNAITRE LA DIFFICULTE D’UNE DEUXIEME FIV POUR MIEUX AVANCER 

Après la naissance de ma fille, nous nous sommes lancés dans une nouvelle FIV. J’ai explosé après un an et demi de protocoles (dont un arrêté avant même la ponction), deux ponctions et sept transferts. J’ai passé toute cette période à endurer tout ça conformément à la démarche que nous avions avec mon mari : ne jamais faiblir, toujours se relever, pleurer rapidement et se préparer pour recommencer, ne pas laisser le temps au temps, ne pas laisser les sentiments nous envahir. On ne devait pas laisser de prise à la FIV, lui laisser la possibilité d’occuper une place centrale dans notre vie. On ne voulait pas passer plus de temps pour essayer, sans garantie aucune, d’avoir un enfant, alors que notre fille est là, avec nous, de façon bien certaine. Et pourtant cette bataille la concerne : comment ne pas se battre pour qu’elle ait un petit frère ou une petite sœur ? 

Mon témoignage est là pour dire aux femmes qu’une deuxième FIV après une première naissance, c’est dur, même si l’enjeu n’est plus le même. On sait pourquoi on se bat, pourquoi on s’accroche, mais on sait également qu’une réussite passe par une subtile alchimie faite de prouesses médicales, de facteurs connexes, de pensée magique et de chance. 

Pour cette raison, il est important de le savoir, de se le dire, de le faire savoir, de l’entendre. Il ne s’agit bien sûr en aucun cas de comparer un deuxième parcours de FIV à celui d’une femme en quête d’un premier enfant : les deux situations ne sont aucunement comparables et toute femme qui se lance dans un deuxième parcours mesure la chance inouïe qu’elle a d’être dans cette situation. »

Merci à Philippine, pour ce témoignage.

Commentaires à propos de cet article (7) :

  1. Merci pour ce témoignage j ai aussi la chance d avoir un bonhomme suite à 3 fiv et 12 embryons et nous avons aussi des embryons congelés pour rendre la reprise moins dure; mais en effet j ai trouve peu de temoignages de parcours 2 donc merci du partage et pleins de courage. Un parcours de fiv reste difficile même pour un deuz car comme vous le dites si justement on ajoute cette nouvelle piqûre mais on revit toutes les anciennes. En tout cas je vous souhaite un nouvelle happy end :))))))))

  2. Merci pour ce témoignage, il m’a tellement parlé ! Et fair pleurer aussi, on dirait mot pour mot mon parcours pour un 2e enfant.
    Merci, cela m’a donné du courage a quelques heures du résultat de la prise de sang de mon 8e transfert.

  3. Merci ! En 2eme parcours PMA également (FIV) et c’est toujours aussi dur… en gérant en plus un enfant en bas-âge malgré les douleurs physiques et la grande fatigue causée par les traitements, opérations, ponctions… C’est vrai qu’on en parle moins. Même si nous-mêmes on se raccroche au fameux « on en a au moins un », lorsque c’est l’entourage qui ne connait rien à ce parcours du combattant, ça énerve. Oui comme si, c’était un « caprice » mais eux, poursuivent bien leur rêve de famille avec plusieurs enfants, alors pourquoi, nous n’aurions pas cette chance aussi ? Courage à vous…

  4. Merci pour votre témoignage. Il est si touchant et si réel. Reprendre une FIV 2 c est le programme de début d’année c est inconnu (malgré les souvenirs de la fiv 1 il y a 5 ans), l’incertitude, la peur… mais l’envie d agrandir la famille coute que coute.
    Votre témoignage m’aide à me dire que cet inquiète est celle de toute les femmes qui vivent ce parcours, même si personne n’en parle.

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