Cancer et procréation CECOS février 2015

Voici un article de la dernière lettre des CECOS en date du mois de février 2015, cancer et procréation du point de vue masculin.

Cancer et procréation : recours à la préservation de la fertilité

13 février 2015

Préservation de la fertilité : des efforts restent à faire
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CANCER ET PROCREATION : préservation de la fertilité avant les traitements et effets de ces traitements sur la fonction de reproduction : des progrès restent à faire

Les cancers et leurs traitements (chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie) peuvent avoir un effet délétère sur la fertilité et la sexualité avec des répercussions notables à distance du traitement. Dans ce contexte, l’information sur les risques des traitements et les possibilités de préservation de la fertilité peut-être considérée comme une obligation médico-légale. Ainsi la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique précise  dans son article L. 2141-11 : « En vue de la réalisation ultérieure d’une assistance médicale à la procréation, toute personne peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou de tissu germinal, … lorsqu’une prise en charge médicale est susceptible d’altérer sa fertilité, ou lorsque sa fertilité risque d’être prématurément altérée ». Actuellement, cette préservation de la fertilité peut-être envisageable chez l’adulte, l’adolescent ou l’enfant et ce quel que soit le sexe. Les modalités et la faisabilité cette préservation devant être discutées au cas par cas.

Même si la congélation des spermatozoïdes dans le contexte de la préservation de la fertilité s’est développée depuis les années 1970, l’accès à cette information ne semble pas optimale en France en 2014 chez l’adulte jeune et l’adolescent. Si la seule étude nationale sur cette question publiée en 2007 (Mancini et al. Fertil. Steril. 2007) montrait un déficit d’information, les résultats de l’enquête publiée en 2014 par l’INCA « La vie deux ans après un diagnostic de cancer »[1] confirme toujours ce déficit d’information. En effet 65.5% des hommes et 68.2% des femmes de moins de quarante-cinq ans déclaraient que la préservation de la fertilité ne leur avait pas été proposée avant l’initiation de leur traitement.

Concernant l’homme, une étude[2] publiée en décembre 2014 fait le point sur la faisabilité de la conservation de spermatozoïdes chez l’adolescent et l’homme jeune et analyse les pratiques au sein de 22 CECOS sur une longue durée (1973-2007). Cette étude amène plusieurs informations : 1) la congélation de spermatozoïdes pour préserver la fertilité est faisable à partir de l’âge de 12 ans chez le garçon, 2) le recours à la préservation de la fertilité a augmenté au cours des années, 3) des différences régionales existent dans la prise en charge notamment des adolescents, 4) le recours à la conservation de spermatozoïdes ne concerne pas la majorité des patients de cette tranche d’âge ayant un cancer théoriquement susceptibles d’en bénéficier.

Les causes de ces insuffisances dans la prise en charge sont probablement plurifactorielles (méconnaissance des possibilités techniques de préservation, réticences à évoquer les questions de sexualité, manque de temps….) et des améliorations doivent être apportées tant chez les spécialistes du cancer que ceux de la médecine de la reproduction ou vis-à-vis des patients.

Dans ce contexte, la formation des soignants et l’information du public sont des leviers permettant l’amélioration de la prise en charge des patients. Comme précisé dans le rapport ABM-INCA[3], la recherche doit être également développée dans le domaine cancer et procréation.

Par exemple, deux études récentes réalisées au sein de la Fédération Française des CECOS contribuent à l’amélioration des connaissances sur les effets des traitements du cancer.

Ces études ont été réalisées dans le cadre du PHRC GAMATOX qui a suivi, de manière prospective, les patients traités soit pour un cancer du testicule, soit pour un lymphome, cancers affectant l’homme jeune en âge de procréer. Les caractéristiques du sperme et la qualité nucléaire du spermatozoïde ont été analysés avant et 3, 6, 12, 24 mois après la fin du traitement permettant ainsi de décrire la dynamique de la récupération de la spermatogénèse.

Après traitement d’un cancer du testicule, la récupération  des caractéristiques spermatiques pré-thérapeutiques va être fonction du traitement : un an après deux cycles de chimiothérapie mais deux ans si le patient a été traité par plus de deux cycles de chimiothérapie ou par radiothérapie. Par ailleurs en cas de radiothérapie, une augmentation du nombre de patients présentant une fragmentation de l’ADN du spermatozoïde est observée à 6 mois[4].

Les caractéristiques du sperme des hommes présentant un lymphome sont déjà altérées avant traitement, et celles-ci vont drastiquement chuter dans les 3 à 6 mois après la fin du traitement.  La récupération est également dépendante du protocole thérapeutique : 12 mois pour les traitements les moins toxiques, de type ABVD, mais davantage avec les autres protocoles. Il est important de noter que 2 ans après la fin du traitement, 7% des hommes n’ont aucun spermatozoïde dans l’éjaculat alors qu’ils en avaient avant le traitement. Par ailleurs, cette étude met en évidence des altérations du génome du spermatozoïde évoluant favorablement 1 an après la fin du traitement[5].

L’ensemble des résultats des études publiées récemment dont certaines réalisées au sein de la Fédération Française des CECOS permet de mettre plusieurs points en avant :

  • Les altérations des caractéristiques spermatiques sont réelles et les modalités de récupération éventuelle sont fonction du type de traitement et des caractéristiques spermatiques préalables au traitement.
  • La période d’altération importante dans les suites du traitement souligne l’importance de la mise en place d’une contraception de couple efficace pour éviter toute survenue de grossesse durant cette période critique qui doit être discutée avec le patient, le spécialiste du cancer et le médecin spécialisé en médecine de la reproduction.
  • L’information sur les possibilités de préservation  de la fertilité avant la mise en route du traitement doit être développée.
  • Une amélioration des modalités d’accès à l’information sur la préservation de la fertilité doit être mise en œuvre afin d’assurer un recours équitable aux méthodes de préservation de la fertilité sur le territoire national.

L’ensemble de ces points fait partie intégrante des objectifs du plan Cancer III, des recommandations du rapport ABM-INCA « Conséquences des traitements des cancers et préservation de la fertilité » et des axes de travail de la Fédération Française des CECOS.

Louis Bujan et Nathalie Rives

 


[1] : http://www.e-cancer.fr/publications/99-recherche/773-synthese-la-vie-deux-ans-apres-un-diagnostic-de-cancer-de-lannonce-a-lapres-cancer

Commentaires à propos de cet article (3) :

  1. C’est, encore une fois, en fonction du CECOS. Une copine ayant eu un cancer très violent a 30 ans n’a jamais entendu parlé de ça. Aujourd’hui elle est miraculeusement guérie soit, mais stérile aussi (sans compter les autres effets secondaires définitif de sa chimio mais c’est une autre histoire). Un copain atteint d’un cancer et suivi dans un autre CECOS a bénéficié de cette information et a pu congeler son sperme.
    2 poids 2 mesures comme d’habitude. Il faut bien tomber quoi …

  2. Mon homme a été traité pour un lymphome de Hodgkin, le diagnostique est tombé juste au moment ou nous voulions mettre en route un bébé, il a pu bénéficié de la conservation du sperme au CECOS, on nous en a parlé de suite, et les recueils se sont fait juste avant la 1ère chimio
    un beau bébé est né grace à 1 FIV 2 ans plus tard avec le sperme congelé
    un autre beau bébé est né en aout dernier (3 ans après la rémission) il a été conçu de manière naturelle, la chimio et radiothérapie n’ont pas altéré le sperme, j’espère que cela pourra rassurer certaines personnes

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