La fin de l’anonymat du don c’est pour 2020 !?

Aujourd’hui, le rapporteur Jean-Louis TOURAINE (député LREM de Lyon) de la mission d’information parlementaire sur la révision de la loi de bioéthique rend son rapport. Jean-Louis TOURAINE et Xavier BRETON lui-même président de cette commission, ont auditionné, sur différents sujets relatifs à la révision de la loi de bioéthique de nombreuses personnes, professionnels et représentants d’associations. Pour rappel, BAMP a été auditionné sur la préservation de la fertilité et l’autoconservation des ovocytes. Et oui, nous n’avons pas pu donner notre point de vue sur ces questions du don de gamètes, en dehors de notre contribution au CCNE au printemps. Les deux représentants des associations d’adultes nés grâce à un don de gamètes ont été auditionnés ensemble, vous pouvez retrouver la vidéo ici.

Voici la position de Jean-Louis TOURAINE au sujet du don de gamètes, extraits de l’article de LA VIE (publication du rapport de la mission d’informations).

« Nous avons beaucoup réfléchi sur la question de l’accès aux origines. Il est dommageable de maintenir dans le secret des enfants nés grâce à un tiers donneur. Il faut donner la possibilité à ces enfants d’avoir accès à des informations sur leur origine ». Donc en pratique qu’est-ce qui a été imaginé ? Pour le don de spermatozoïdes, pour le don d’ovocyte, pour le don d’embryon, pour les tentatives d’AMP réalisées à l’étranger ? Pour les tentatives réalisées hors cadre sanitaire ? 

Les nouveaux parents et futurs parents par don de gamètes, sont dans leur grande majorité convaincu que le secret au sujet de la conception est délétère, nos enfants ne sont donc pas élevés de la même manière, ni dans le même contexte psycho-social que ceux des générations précédentes. La culpabilité des parents vis à vis de l’infertilité et les conflits psychiques, sociaux et culturels sont mieux traités en amont du don pour que les parents ne reproduisent pas ce que les premières générations de parents ont fait. Et tout cas, c’est ce que nous conseillons aux personnes qui s’adressent à nous. (voir ici nos précédents écrits à ce sujet).

Un peu plus loin, toujours dans l’article de LA VIE, Jean-Louis TOURAINE précise :  « Nous désirons faire établir l’intérêt prioritaire de l’enfant, quel que soit le mode de sa conception. Tous, qu’ils soient nés de PMA dans un couple hétérosexuel ou homosexuel, ou encore nés de GPA à l’étranger, doivent bénéficier des mêmes droits, de la même absence de discrimination et de la reconnaissance de leurs vrais parents, c’est à dire ceux qui les élèvent et les aiment. Pour la PMA, nous préconisons une déclaration commune anticipée de filiation, qui serait effectuée au même moment que le consentement à réaliser l’AMP, chez le notaire. Cela permet de prendre pleinement en compte l’acte d’engagement des deux membres du couple, qui seront les parents. Cette déclaration valable pour tout recours à un tiers donneur, sera portée en marge de l’acte intégral d’état civil, chez les couples hétérosexuels ou homosexuels. Cela nécessite une modification des règles d’accès à l’état civil afin que seuls les parents et l’enfant devenu majeurs puissent accéder à l’acte intégral ». 

La semaine passé, c’est Agnés BUZYN qui annonçait sur BFM que le texte de loi « n’est pas totalement rédigé » mais les idées sont déjà bien élaborées sur la levée de l’anonymat des donneurs (les donneuses n’existent pas dans le discours public) : « C’est quelque chose, qui de toute façon est dans l’air du temps de tous les pays. Attention cela ne veut pas dire que l’on choisira un donneur de spermatozoïdes en fonction de son nom, de son origine, enfin voilà. Cela veut dire qu’un enfant à l’âge de 18 ans pourra éventuellement retrouver le donneur de gamètes sans que cela ne procure aucun droit ».  

Bourdin : « Donc il y aura levée de l’anonymat ? »

Buzyn : « Mais je voudrais que l’on revienne pratiquement sur ce que cela représente. Cela veut dire que des enfants nés, d’un don en 2020, puisque la loi sera promulguée et avec les décrets en 2020. Pourra à l’âge de 18 ans c’est à dire en 2038, se retourner vers son donneur pour essayer de savoir quels sont ses origines et pouvoir se construire. Or en 2038, nous savons que les bases de données génétiques à travers le monde, en fait seront très accessibles. Et la question sera probablement un peu obsolète. C’est déjà le cas, aujourd’hui aux Etats-Unis ou des gens retrouvent leur donneurs de spermatozoïdes, ou des frères ou des demi-frères uniquement en analysant des banques de données de génétiques. C’est déjà aujourd’hui accessible« .

Vous remarquerez que le discours public est concentré sur les aspects masculins du sujet : le donneur, les frères, le don de spermatozoïdes…. Comme si les donneuses n’existaient pas, comme si les couples donneurs d’embryons n’existaient pas. Où que la question n’ai pas été pensée, qu’elle soit traitée que sous cet angle masculin. Il va falloir nous expliquer comment pouvoir « se tourner vers son donneur à 18 ans permet de se construire » en tant qu’individu ? C’est dans l’enfance, la petite enfance, que les choses doivent être dites, que les rapports de confiance, de transparence au sujet du don doivent être dites, non à 18 ans. Par ailleurs faire fantasmer un enfant pendant 18 ans autour d’une potentielle rencontre avec LE donneur, nous semble vraiment odieux, si l’on se place du point de vue du développement psychique et social d’un enfant. Ne pas interroger les parents actuels, sur leurs pratiques actuelles d’éducation de leur enfant nés grâce à un don, ne permet pas d’apporter de la nuance au point de vue évoqué par Madame BUZYN. C’est assez inquiétant, d’ignorer à ce point, les conséquences psycho-sociales que risque de provoquer cette modification de la loi, sans une large concertation avec tous les acteurs.

Dans cet entretien madame BUZYN s’est dit « contre la rémunération du don de soi » au sujet de la rémunération des donneurs……rien sur les donneuses ? Elles existent les donneuses ? 

De plus, à partir de fin janvier « le gouvernement va organiser des séminaires thématiques pour présenter de façon approfondie aux parlementaires les sujets qui seront abordés dans le projet de loi bioéthique. L’objectif étant de permettre un débat apaisé sur des questions d’une redoutable complexité« . Source Olivia ELKAIM journaliste à La VIE. Donc si vous souhaitez discuter de ces sujets et notamment du don de gamètes avec votre député-e, vous avez encore quelques semaines devant vous pour lui demander un entretien et lui expliquer votre point de vue. De notre côté, aucune de nos demandes d’audiences auprès de la ministre de la santé, des députés, du 1er ministre, n’a reçu de réponse. Le projet de loi doit être déposé avant la fin mars au Conseil d’Etat et sera discuté et voté au parlement avant l’été 2019. Tout semble indiquer que la loi va changer et que les donneurs, donneuses et couples donneur d’embryon ne pourrons plus être anonymes. 

BAMP a depuis 5 ans informé et accompagné, sans jugement, en respectant la liberté de chacun à faire ses choix de vie, ses choix de parcours de don de gamètes (anonymat, non anonymat, don croisés, double don, don d’embryon, en France, à l’étranger), toutes les personnes (couples et femmes seules) qui s’interrogeaient et faisaient appel à nous. Nous continuerons à le faire sur les mêmes bases : respects des choix individuels, non jugement, informations la plus exhaustive possible, sans chercher à imposer quoi que ce soit, que la loi change ou pas. 

Il semblerait que le point de vue de notre association ne soit pas légitime à s’exprimer et qu’il soit sujet à beaucoup d’interprétations, d’instrumentalisations, voir de calomnies qui visent a attribuer à BAMP une volonté de lutter contre les droits des adultes nés d’un don. Ce qui n’est pas cas. Nous pensons pourtant être légitimes à pouvoir exprimer des nuances face au discours dominant sur ce sujet, à participer, comme tous les autres acteurs concernés, aux réflexions et débats. Les enfants nés d’un don de gamètes ne naissent pas par génération spontanée, ils ont des parents qui les éduquent. Les politiques de notre pays et certains adultes nés d’un don de gamètes nous disent que non, qu’il faut faire sans les parents.

https://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/agnes-buzin-face-a-jean-jacques-bourdin-en-direct-1130628.html

Vers 7 minutes 40

 

Commentaires à propos de cet article (13) :

  1. Il n’y a que moi qui ai l’impression de revenir en arrière ? Organisation de séminaires thématiques … Heu pardon ? Ils n’ont pas déjà eu lieu ?

  2. Je n ai rien compris à cette histoire de déclaration anticipée. Déclaration de quoi? Qu il y a un tiers donneur? Très énervée d’apprendre que mes filles ne vont pas pouvoir se construire car leurs parents, ces égoïstes irresponsables, ont eu recours à un don d’ovocytes ANONYME pour les concevoir. Si j’avais voulu être donneuse, j’aurais pu franchir le pas grâce à l’anonymat.

    1. Oui, déclarer qu’il y a un tiers donneur et le noter sur l’acte intégral de naissance, pour « que les parents, hétérosexuels arrêtent de mentir à leur enfants »………..

      1. Mais est-ce que ca ne revient pas à marquer les enfants issus du don au fer blanc ?! A les stigmatiser du fait de leur conception en l’écrivant noir sur blanc ? Je suis pour la levée des tabous familiaux et des secrets, mais pas de cette manière…
        Il ne faudrait pas non plus oublier que le donneur (ou la donneuse, bien qu’oubliée visiblement) n’est pas un parent et n’a pas vocation à l’être. Il ne faudrait pas finir par lui donner une place qui n’est pas la sienne…
        Merci en tout cas pour ce résumé !

        1. C’est le message que nous essayons de faire passer dans nos différentes démarches l’année dernière lors des états généraux de la bioéthique, au forum européen de bioéthique en février 20018 à Strasbourg, lors de notre audition au CCNE, de notre audition devant la commission parlementaire (qui vient de rendre ce rapport) et qui je le reprécise, nous a invité à nous exprimer juste sur la question de la préservation de la fertilité des femmes.
          Et c’est ce que nous allons continuer à dire aux députés et sénateurs (nous en avons rencontré quelque uns l’été dernier) avant les débats parlementaires.
          Un combat qui n’est pas simple, surtout quand certains voudraient nous faire taire et/ou ne pas nous entendre.

        2. Certains adultes nés d’un don de gamètes réclament la levée de l’anonymat et l’accès à leur « origines », voir et parler au donneur
          Ils sont très actifs notamment auprès des politiques au pouvoir actuellement
          La loi va être débattue au Parlement, tu peux aller en discuter avec ton député.
          L’association n’a pas reçu de réponse à nos demandes d’audiences….

      2. 😳 je trouve ça euh… je ne sais pas qualifier, c’est une histoire intime qui appartient aux parents avec leur enfant, quel besoin de le faire apparaître sur des documents officiels?!

        1. Certains adultes nés d’un don de gamètes, réclament la levée de l’anonymat et l’accès à leur origines, voir et rencontrer le donneur
          Ils ont fait un énorme travail de lobbying auprès des politiques et cela à très bien fonctionné
          La loi n’est pas encore voté, tu peux aller rencontrer ton député, pour lui donner ton point de vue.
          BAMP n’a pas pu le faire, nos demandes d’audiences étant restées sans réponses pour l’instant

          1. Merci pour ces précisions sur le contexte, je vais faire la démarche auprès de la députée (voilà qui me rappelle la mobilisation d il y a qq années).

  3. Je trouve ça aberrant de cataloguer nos enfants sur des documents officiels …. est ce qu’on précise pour les autres dans quelles positions ils ont été conçu ???? Aberrant. C’est aux parents de communiquer aux enfants, de les informer sur leur histoire – la mention n’a rien à faire sur un doc officielle.
    Rien à voir mais je pense que des rencontres entre enfants issus du don peut être utile pour nos enfants. Qu’ils sachent qu’ils ne sont pas tous seuls, qu’ils ne se sentent pas à part. C’est pourquoi je tiens à garder les liens avec mes copines de dons ! 😘

    1. De grands intellectuels, et les politiques suivent derrière, accusent les parents « hétérosexuels » de mentir à leur enfants nés d’un don. Plus certains adultes nés d’un don qui réclament la levée de l’anonymat et l’accès aux « origines », voir et parler au donneur. Donc pour « empêcher les parents de mentir », pour servir « l’intérêt et les droits fondamentaux des enfants/adultes nés d’un don, il faut mettre une mention sur l’acte de naissance….
      Leur lobbying a été très efficace, ils ont obtenus ce qu’ils voulaient. Et vont chercher maintenant aussi à obtenir que cette loi soit rétroactive, pour pouvoir en bénéficier eux aussi : avoir le nom et l’adresse du donneur
      Tu peux aller donner ton point de vue à ton député, BAMP n’a pas pu, pour l’instant, être entendue sur ce sujet.

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